La crise alimentaire mondiale du moment, chez les pays pauvres, est la pire nouvelle depuis longtemps, à mon avis. Elle rend même la situation tibétaine assez secondaire… (Je continue quand même de souhaiter secrètement que le CIO annule le relai international du flambeau, puisqu’il est certain que le gouvernement chinois ne pourra pas cacher ça à sa population…) Et la question des phoques, n’en parlons pas!
Donc, nous verrons bien comment les instances internationales réagiront à cette crise, et à quelle vitesse. Il y a un choix clair à faire : la survie d’une grande partie de l’humanité ou le maintien d’un marché spéculatif alimentaire qui permet d’enrichir certains individus et personnes morales… mon oeil! Même Gérald Fillion, économiste pour Radio-Canada, est de cet avis, puisqu’il conclut sa dernière chronique à ce sujet comme suit :
Pour une fois, l’éclatement d’une bulle, celle des prix alimentaires, est à souhaiter…
Aussi, Cécile Gladel fait un beau tour d’horizon de la question, c’est par là. J’ai bien hâte de voir comment les zélateurs éconocentristes vont réagir, je prépare mes mouchoirs…
Mais il y a une autre question qui me vient, cruelle : est-ce que cette situation n’a pas simplement été créée par un laisser-aller à demi calculé alors que le point de mire se trouvait seulement sur le nouveau Klondike de la maïsiculture? Il me semble que le concept de la mondialisation est assez élastique pour inclure le contexte de la pauvreté et que de l’oublier relève de la mauvaise foi et de l’omission. Foncer droit devant sans regarder derrière est un sport très prisé auprès de nos élites…
Quand même, ça ne prend même pas un génie pour comprendre qu’une céréale qui sert à nourrir des êtres vivants ne pourra plus les nourrir si au lieu de ça elle nourrit de la mécanique. Et des génies, il doit bien en avoir sur Terre, quelque part. Pas aux bons endroits, visiblement.
Les idiots que nous sommes aimeraient bien comprendre.
Et au-delà de ça, pour ce qui est du poids démographique, qu’est-ce qu’on en pense? C’est tellement tabou que je n’ose même pas m’y avancer…
Aussitôt que je pense être sur la bonne voie, une contradiction m’assaille. Pour m’évader je pense aux massaï, il faut bien une première fois à tout.
« Quand même, ça ne prend même pas un génie pour comprendre qu’une céréale qui sert à nourrir des êtres vivants ne pourra plus les nourrir si au lieu de ça elle nourrit de la mécanique. Et des génies, il doit bien en avoir sur Terre, quelque part. Pas aux bons endroits, visiblement. »
Mais bien sur qu’il y en a; on a des ingénieurs agricoles :D. Hehehehe
Mmh… La problématique est particulière. Je vais te dire une chose qu’un de mes profs pense, et qui est fort controversée dans le domaine, mais que je vois comme possible.
« I strongly believe that later, maybe not in our lifetime, the rural areas will provide the energy necessary to the urban area, who will have to learn to produce their own food. »
Je peux te dire que dans les pays du Tiers-Monde, le coût en nourriture est très élevé pour les revenus, et que la majorité des gens en ville ont déjà recour à l’agriculture urbaine. Plusieurs villes de Chine produisent elles-même 85% des légumes qu’elles consomment, et La Havane a réussi à réduire grandement ses coûts de production grâce à des coopératiives et des systèmes citoyens d’agriculture urbaine, suite au Krash de ’91-’92 des communistes suite à la capitalisation de la Russie. On a donc prouvé que nous avons un certain intérêt à diversifier nos modes d’agriculture, à les faire évoluer et à les convertir dans un mode de vie représentant un peu plus notre monde qui s’urbanise (un peu trop à mon goût, mais ça c’est un autre débat). La FAO encourage fortement le mouvement d’agriculture urbaine, car il crée des emplois de bonne qualité (En Colombie, des femmes travaillant dans une coop d’agriculture urbaine gagnaient jusqu’à 3 fois le salaire de leur mari), répond à un besoin de souveraineté alimentaire et est adapté à la problématique de l’avenir selon laquelle d’ici 2030, 50% de la population mondiale vivra en ville, et qu’il faudra trouver un moyen de les nourir.
http://www.verticalfarm.com
On peut aussi voir une mode dans les designs les plus avant-gardistes sur la création d’édifices urbains axés sur la production agro-alimentaire (ce qui permettrait de créer des emplois et de réduire l’empreinte écologique du transport de nourriture), mais je doute de voir un jour des poules défiler dans les rues de Broadway. Les gens de la ville voient d’un très mauvais oeil la production de nourriture. Un « steak », c’est pas une vache, selon plusieurs.
Je ne vois pas comme « désirable » la hausse du prix des marchés agro-alimentaires. C’est vraiment horrible pour les plus pauvres. Mais je verrais d’un bon oeil la conversion de l’agriculture et son évolution, afin de l’adapter à un contexte plus XXIe siècle. On s’aperçoit que l’on aura besoin de l’agriculture pour rencontrer nos besoins énergétiques, mais l’on doit aussi trouver un moyen de nourir les gens.
Merci Manx pour ce commentaire très instructif, comme toujours!
« La crise alimentaire mondiale du moment, chez les pays pauvres, est la pire nouvelle depuis longtemps, à mon avis. Elle rend même la situation tibétaine assez secondaire… »
Pas sûre qu’on puisse comparer… enfin bref ! Disons que j’ai quelques réserves…
Ça commence à être compliqué de faire de bons choix en tant que consommateurs. L’éthanol comme carburant, si valorisé auparavant, en prend maintenant pour son rhume. Tu soulignes bien le questionnement éthique que toute cette crise fait ressortir: «nourrir» les machines ou nourrir les humains? Quand nourrir les machines permet de diminuer la pollution pour les humains, mais que ceux-ci sont trop nombreux pour la terre qui les accueille, causant du même coup une surconsommation de la matière première permettant la fabrication des carburants bio/écolo, on fait dans ce qui se rapproche de la double contrainte et, surtout, le très tabou.
Check c’est pas si compliqué: La meilleure chose c’est de pas avoir de char et de faire pousser tes tomates sur ton balcon:D.
Mía
Morgane,
comparer pour comparer, et ce, le plus froidement possible, je crois qu’il y a plus de chance de mortalité du côté de la famine mondiale que du côté des droits tibétains…
Mais je suis bien ouvert à recevoir tes vues sur la situation!
Safwan,
très intéressant cette notion de double contrainte que je comprends comme suit : la crise actuelle est créée par l’amalgame de la ressource (le maïs) détournée de son emploi habituel et son prix qui augmente étant donné la grande demande de cette ressource, en ajoutant à cela le système économique qui amplifie cette hausse des prix puisque la croissance économique est basée en grande partie sur la spéculation.
Mia,
si c’était si simple… 😉
Eh oui Renart, un autre exemple de la loi des conséquenses inattendues. On pensait faire quelque chose de positif pour l’environnement mais on a pas anticipé la quantité de maïs nécessaire. On a subventionné le tout, sans anticiper que ça encouragerait les cultivateurs à convertir d’autres cultures au maïs pour l’éthanol. Résultat, moins de céréales disponible à la consommation humaine et flambée des prix…
Sieur Goupil,
est-ce que c’est vraiment une question de quantité ?
Pour ma part, je ne dirais ni que la situation du Tibet est pire, ni qu’elle est mieux.
C’est juste que je préfère ne pas comparer.
C’est toudelidou !
Morgane,
juste en Afrique, 24 pays sont touché par la crise alimentaire, donc 30 millions de personnes… Et on ne compte pas là-dedans l’Amérique latine et l’Asie centrale…
Je suis peut-être trop pessimiste; mais j’ai l’horrible impression que certaines personnes pourraient aller jusqu’à sacrifier ces millions de personnes, au nom du sacré saint capital. Je me demandê si des solutions vont être trouvées…
Sieur Goupil,
Bon, ok, j’ai compris, vous parlez de quantité.
Disons qu’au début, j’ai pensé que vous compariez en termes de souffrance, et que ça m’a laissée un peu perplexe. Surtout que vous y mêliez la situation des phoques.
Mais bon, vous êtes sympa, vous défendez la cause féministe, on ne va pas se chicaner pour ça, non ?
🙂
Philippe David,
je peux t’avouer que ton commentaire m’a un peu surpris, étant donné ta position politique (et surtout économique), mais dans le fond c’est stupide de ma part : qui pourrait rester le moindrement stoïque, froid, cartésien, insensible, devant tant de misère humaine? Paul Watson? (Ce n’est presque pas une blague…)
Arwen,
voilà bien ce que j’entendais dans mon billet pour un tabou…
Morgane,
😉