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Je regrette qu’il n’existe pas en français de mot pour désigner l’attachement que l’on peut ressentir pour le lieu où nous vivons notre enfance, entouré de gens qui nous aiment et qu’on aime — et pourvu que notre enfance ait été heureuse.
Mais si vous retirez du nationalisme cet attachement et tout ce qu’il implique, vous en retirez une part importante et peut-être même l’essentiel de ce qui mérite d’être sauvé de ce sentiment.
Mais en même temps, je crois qu’il faut faire attention à ne pas tomber dans l’illusion de la division. Genre nous versus eux…
Merci pour le lien, je ne pense pas toujours à visiter le blogue de M. Baillargeon qui, soit dit en passant, est un des plus pertinents sociologues (si je peux me permette de l’étiquetter ainsi) de notre pays.
Le billet de M. Baillargeon me rejoint entièrement. Le militantisme « à la Falardeau », celui repris depuis quelques années par Patrick Bourgeois et ses disciples, commence à me tomber sur les nerfs. Un des arguments les plus utilisés par ces adeptes est la réappropriation de la liberté. Totalement vide de sens et de pertinence en ce début de 21ème siècle. L’idôlatrie envers les patriotes et le combat contre les anglais n’a plus sa place dans le débat sur la souveraineté du Québec. Le désir d’émancipation nationale des québécois doit, à mon avis, être étroitement relié à la protection de sa langue et de sa culture tout en étant associé à un projet de société, à une définition du « vivre ensemble » qui se démarque des idéaux individualistes et rétrogrades qui se pointent le nez à l’ouest de l’Outaouais. Allez dire à des chinois ou à des iraniens que vous ne vous sentez pas libres…
S’il est vrai que la grande majorité des québécois sont plus solidaires que lucides, un peu plus à gauche qu’à droite et que l’ouest canadien (y compris l’Ontario) adhère à des idéaux « conservateurs », il faut alors saisir le moment et s’affirmer comme nation – française et progressiste. Ce nationalisme est cependant inclusif et respectueux du droit à l’auto-détermination des premières nations.
Parfois, j’espère que les conservateurs deviennent majoritaires et que cette réalité sera le coup de pouce dont les québécois ont besoin pour reprendre le goût de vivre différemment et, enfin, se donner un PAYS.
Ne s’agit-il pas de patriotisme ? Un attachement profond envers l’endroit où nous vivons et ses habitants ?
Toutefois, je trouve cette notion un peu large. L’attachement à l’échelle d’un pays ou d’une nation est largement abstrait. Nous sommes attachés à quelques individus (famille, amis) qui nous ressemblent, à une ville ou un quartier (où nous vivons, où nous avons grandi), mais à tout un pays ?
En fait, la nation, la patrie, le peuple, sont tous des concepts mouvants, adaptés d’un individu à l’autre et qui n’ont jamais de formes définitives. On peut s’en réclamer, mais appelé à les définir, ils vont étrangement ressembler aux individus que nous connaissons et aux endroits que nous habitons. La nation québécoise n’a pas la même signification pour un habitant de Gaspé que pour un Montréalais.
Je suis profondément attaché aux gens que je connais et que je respecte, ainsi qu’à la ville où j’ai grandi. Tout ce qui dépasse cet horizon est une construction politique à laquelle je peine à adhérer.
@Hérétik: il est plus que temps que les québécois de toutes les régions trouvent les moyens pour tisser des liens entre eux. Si les québécois de la vieille capitale ne peuvent sentir les montréalais, à quoi ça sert de parler d’un pays?
Je n’ai aucune animosité envers la métropole, ni envers la Nunavik ou la Basse-Côte-Nord. Je constate simplement que le nationalisme est une extension politique d’un phénomène d’attachement commun à tous et qui se limite à notre univers immédiat. Il s’agit d’une construction qui repose sur certaines valeurs et caractéristiques communes, mais aussi sur une bonne part de fantasmes.
Est-ce que je me sens Québécois ?
Qu’est que cela signifie ? Peut-on en donner une seule signification, commune à tous, sans y introduire des préjugés et des exclusions (puisqu’il faut – évidemment – définir aussi les non-québécois) ? Je me fous pas mal des querelles sémantiques sur le nationalisme. Mon peuple, c’est ma famille, mes amis, ceux que je respecte, peu importe leur couleur ou leur langue maternelle. Ma patrie, c’est la Terre entière.
Moi j’appelle ça l’enracinement, l’ancrage.
Je n’y vois aucun problème. Les déracinés même sur trois générations ont des racines qui se rendent outre atlantique.
Plus on est ancré mieux c’est.
On revient toujours à la même chose le québécois est mal ancré pour toutes sortes de raisons. Un inconscient collectif troublé.
Hérétik, la patrie c’est la terre, je veux bien mais vous oubliez l’univers et peut-être même les univers.
Si tu retires les sentiments, que reste-t-il? La logique, l’intelligence, le discernement ou peut-être même les bons sentiments? Ce Baillargeon parle de quels sentiments?
C’est se placer au dessus des instincts. Il traine sa vie ou ce Baillargeon, dans une université avec un bon salaire, un bon fond de pension, membre de son Ordre peut-être même. Pressé de publier, pressé d’encadrer des étudiants, etc, etc.
Sous un vernis intellect, ce genre de propos est très moralisateur et désincarné.
@ un gars
L’univers, c’est bien, mais ça manque d’atmosphère.
Pour ma part, je crois qu’il ne reste que la langue, et ce qui vient avec, pour lier le tout. Même l’Histoire me semble insuffisante, même si elle est importante : ce qui est, je sais, sacrilège avec le Moulin à parole qui vient de se passer.
Je continue de croire en un nationalisme pratique, en dehors de la passion.
Entièrement d’accord avec Baillargeon!
Néanmoins, tous ne ressentent pas ce sentiment et ceux qui ne le ressentent pas ne doivent pas souffrir des excès nationaleux des autres. Mais bon, ça revient un peu à ce que Baillargeon dit, en fait.
J’aurauis dû dire « attachement » plutôt que « sentiment ».
@Hérétik: je ne te visais pas particulièrement! Mais force est de constater qu’il y a quelque chose d’étrange entre ces deux villes… Je pourrais t’en parler longtemps, moi qui suis né à Québec et qui ai choisi de m’installer dans la région de Montréal au début des années 90.
Le refus de la brasserie Molson et de l’organisation des Canadiens d’approuver l’entrée des Nordiques dans la LNH, les propos réactionnaires des animateurs de radios-poubelle envers le Plateau Mont-Royal et, plus récemment, les chicanes de clocher autour des festivals et de leur synergie sont quelques exemples qui démontrent que la solidarité du peuple québécois est quelques fois déficiente.
Reste la langue et la culture. Je suis d’accord avec renart là-dessus.
Il y a aussi les fusions forcées, les coupures de salaires de Parizeau chez les fonctionnaires et la censure nationaleuse dans le dossier Haine FM.
Le PCul et le Bloc ont eux aussi stimulé le mépris, ça se joue à deux!
Il y avait un avion volant dans les airs, rempli de gens de toutes les sphères. L’avion est tombé au beau milieu des conifères…après quelques semaines,les survivants étaient toutes,tous frères. Au pays du Québec, nous n’avons pas encore assez souffert pour saisir le sens plénier de cette appartenance à notre langue, à notre terre!
L’ère du « chacun pour soi » tire à sa fin mes frères.
Totalement d’accord avec Hérétik.
Ce que décrit Baillargeon n’a rien du nationalisme, mais s’approche plus du patriotisme s’il désigne le pays (l’amour de sa terre natale). S’il désigne le quartier ou la ville, même patriotisme n’est pas approprié et je ne connais pas de terme précis.
La vision que décrit Lutopium « une définition du “vivre ensemble” qui se démarque des idéaux individualistes et rétrogrades qui se pointent le nez à l’ouest de l’Outaouais » me laisse perplexe. J’ai habité Toronto, Québec, la Basse-Côte-Nord, Montréal et Paris, et ce n’est pas différent au Québec en termes d’individualisme par rapport à ailleurs en Occident. Je trouve cette affirmation limite xénophobe… Tout dépend des quartiers que l’on habite…
Cessons donc ces pensées nationalistes que « nous » valons mieux parce que nous sommes nés au Québec…
De plus, il s’agit d’un énorme jugement de valeur : être individualiste = rétrograde… C’est la caricature d’une philosophie A contre une philosophie B (socialiste, mot qui a été remplacé par « solidaire » pour tenter d’éluder le côté péjoratif…) Quelqu’un d’individualiste peut très bien être solidaire et lucide. Tout se nuance. Rien n’est manichéen comme les propagandistes et les politiciens aiment le faire croire.
«Si les québécois de la vieille capitale ne peuvent sentir les montréalais, à quoi ça sert de parler d’un pays?»
Exactement. Il est illusoire de penser que « nous » sommes une grande famille au Québec et que si tous s’entendaient et comprenaient, ils formeraient un pays. C’est une vision qui prétend un peu à la vérité. Et si ceux qui refusent l’indépendance avaient autant « raison » que les indépendantistes ? C’est une opinion A contre une opinion B.
Mais les propos de Lutopium contre le nationalisme à la Falardeau (pro-patriotes, pro-FLQ, anti-anglais, et galvaudeurs du mot liberté) me font plaisir.
@Vincent: loin de moi la xénohobie! Pas du tout. Ce n’est que la réalité: le défunt parti Réformiste et le nouveau Parti Conservateur sont beaucoup plus populaire en Alberta et en Colombie-Britannique, c’est comme ça. J’ai de la famille dans la vallée de l’Okanagan et j’y vais à tous les deux ans depuis une quinzaine d’années. Cette région est l’équivalent du midwest américain où les gens tiennent mordicus à porter leur arme à feu à la ceinture, où la religion s’entremêle avec le politique, où l’homophobie est omniprésente, l’avortement un pêché mortel et quoi d’autre encore.
Je ne crois pas que les québécois s’identifient à ce courant de société. Et ça aussi, ça fait partie de notre culture.
Brassens a écrit une chanson là-dessus. Son titre : « La ballade des gens qui sont nés quelque part ». En voici les deux premiers couplets :
C’est vrai qu’ils sont plaisants tous ces petits villages
Tous ces bourgs, ces hameaux, ces lieux-dits, ces cités
Avec leurs châteaux forts, leurs églises, leurs plages
Ils n’ont qu’un seul point faible et c’est être habités
Et c’est être habités par des gens qui regardent
Le reste avec mépris du haut de leurs remparts
La race des chauvins, des porteurs de cocardes
Les imbéciles heureux qui sont nés quelque part
Les imbéciles heureux qui sont nés quelque part
Maudits soient ces enfants de leur mère patrie
Empalés une fois pour toutes sur leur clocher
Qui vous montrent leurs tours leurs musées leur mairie
Vous font voir du pays natal jusqu’à loucher
Qu’ils sortent de Paris ou de Rome ou de Sète
Ou du diable vauvert ou bien de Zanzibar
Ou même de Montcuq il s’en flattent mazette
Les imbéciles heureux qui sont nés quelque part
Les imbéciles heureux qui sont nés quelque part
Tant qu’à faire, en voici les trois autres couplets :
Le sable dans lequel douillettes leurs autruches
Enfouissent la tête on trouve pas plus fin
Quand à l’air qu’ils emploient pour gonfler leurs baudruches
Leurs bulles de savon c’est du souffle divin
Et petit à petit les voilà qui se montent
Le cou jusqu’à penser que le crottin fait par
Leurs chevaux même en bois rend jaloux tout le monde
Les imbéciles heureux qui sont nés quelque part
Les imbéciles heureux qui sont nés quelque part
C’est pas un lieu commun celui de leur connaissance
Ils plaignent de tout cœur les petits malchanceux
Les petits maladroits qui n’eurent pas la présence
La présence d’esprit de voir le jour chez eux
Quand sonne le tocsin sur leur bonheur précaire
Contre les étrangers tous plus ou moins barbares
Ils sortent de leur trou pour mourir à la guerre
Les imbéciles heureux qui sont nés quelque part
Les imbéciles heureux qui sont nés quelque part
Mon dieu qu’il ferait bon sur la terre des hommes
Si on y rencontrait cette race incongrue
Cette race importune et qui partout foisonne
La race des gens du terroir des gens du cru
Que la vie serait belle en toutes circonstances
Si vous n’aviez tiré du néant tous ces jobards
Preuve peut-être bien de votre inexistence
Les imbéciles heureux qui sont nés quelque part
Les imbéciles heureux qui sont nés quelque part
« Je ne crois pas que les québécois s’identifient à ce courant de société. Et ça aussi, ça fait partie de notre culture. »
Tu marques un bon point Lutopium!
«Cette région est l’équivalent du midwest américain où les gens tiennent mordicus à porter leur arme à feu à la ceinture, où la religion s’entremêle avec le politique, où l’homophobie est omniprésente, l’avortement un pêché mortel et quoi d’autre encore.»
Idem sur la Basse-Côte-Nord par exemple et dans bien des régions du Québec (sauf l’arme à la ceinture… il est dans le Pick Up).
Vincent,
je ne crois vraiment pas que les gens de nos régions soient comme les gens dont Lutopium dresse le portrait. Pour ce que j’en connais, ils en sont même très loin…
@Renart :
Lutopium dresse un portrait trop caricatural.
Je connais personnellement des gens de Calgary, de Toronto, de Vancouver, de Saskatoon qui sont très progressistes et des gens de la Côte-Nord, de Gaspé, de Chibougameau, de Chicoutimi ou de Québec qui sont des « rednecks ». Et à Montréal, j’ai entendu beaucoup d’intolérance et de racisme envers les anglophones et les immigrants (du racisme à la Falardeau et cie). Ce n’est pas parce que ces gens votent PQ qu’ils sont nécessairement de gauche ou partagent des valeurs « progressistes »… De la même façon, ce n’est pas parce que des gens dans l’Ouest ont voté Harper qu’ils sont tous des « rednecks ». Plusieurs votent Harper surtout parce qu’il vient de l’Ouest. S’il était Libéral, ils voteraient sans doute Libéral…
Il y a de tout partout. Ce n’est pas vrai que nous sommes mieux au Québec qu’ailleurs au Canada… C’est une vision très montréalaise, je dirais même plus très Plateau… Du pétage de bretelles.
Souvenez-vous des « accommodements raisonnables »…
Je continue en chanson. « Mes jeunes années » de Charles Trenet:
Mes jeunes années
Courent dans la montagne,
Courent dans les sentiers
Pleins d’oiseaux et de fleurs
Et les Pyrénées
Chantent au vent d’Espagne,
Chantent la mélodie
Qui berça mon coeur,
Chantent les souvenirs,
Chantent ma tendre enfance,
Chantent tous les beaux jours
A jamais finis
Et, comme les bergers
Des montagnes de France,
Chantent le ciel léger
De mon beau pays
Voilà donc le genre de sentiment que l’on voudrait tous éprouver pour son pays. Malheureusement ce n’est pas toujours possible. La preuve « le plat pays » de Jacques Brel:
Avec un ciel si bas qu’un canal s’est perdu
Avec un ciel si bas qu’il fait l’humilité
Avec un ciel si gris qu’un canal s’est pendu
Avec un ciel si gris qu’il faut lui pardonner
Avec le vent du nord qui vient s’écarteler
Avec le vent du nord écoutez-le craquer
Le plat pays qui est le mien
La plus belle chanson québécoise racontant la beauté du pays à tout de même ce refrain reflétant nos sentiments ambigues :
« Mon pays, ce n’est pas un pays: c’est l’hiver. »
Et dès qu’ils en ont les moyens, les Québécois vont passer leurs vacances, leurs retraites, etc. au soleil… D’ailleurs Charlebois chantait:
Cartier, Cartier
Ô Jacques Cartier
Si t’avais navigué
À l’envers de l’hiver
Cartier, Cartier
Si t’avais navigué
Du côté de l’été
Aujourd’hui on aurait:
Toute la rue Sherbrooke bordée de cocotiers
Avec perchés dessus des tas de perroquets
Et tout le Mont Royal couvert de bananiers
Avec des petits singes qui se balanceraient
Au bord du St-Laurent on pourrait se baigner
Tout nu en plein hiver et se faire bronzer!
La chanson de Vignault est plus jolie mais je crois que les Québécois préfèrent celle de Charlebois.