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Dans ce monde virtuel, malgré une veille assez large, malgré des alertes Google, malgré la technologie de notification des liens entrants, l’humain est toujours utile. C’est qu’à la suite de mon premier billet en lien avec le suicide de Nelly Arcan, quelqu’un est venu m’indiquer qu’un autre commentateur, qui signait « Georges Fedorov », était en fait Maurice G. Dantec, romancier (surtout de la science-fiction) et essayiste (dans la mouvance conservatrice — il « défend ouvertement le rétablissement de la peine de mort au Canada »). Mais à la base, pourquoi avoir endossé cette burqa anonymisante au lieu de commenter courageusement et ouvertement?
Autre bavasserie de l’utile humain : l’écrivain a pondu, suite à son séjour en mes terres (hé hé!), une galette (objet de forme ronde et plate) où il vise mon blogue et/ou moi et/ou les gens qui nous regroupons ici pour discuter. Et la répétition des « et/ou » n’est pas une tentative stylistique, tout ça me fait encore barboter en pleine confusion…
Lisez plutôt :
Le premier mensonge que la société québécoise post-modernisée est en train d’élaborer, c’est qu’elle n’est absolument pour rien dans cette « mort volontaire » (c’est en effet le mot juste), et surtout qu’il s’agit là de la « mort d’un être humain », entendez : comme tous les autres.
Un « être humain » comme vouzémoâ, avec ces pulsions maladives, ces problèmes personnels et professionnels, relationnels et intimes, bref, ce mensonge a pour but d’ôter toute singularité à ce qui fore le mystère du suicide d’un écrivain. Car c’est en tant qu’écrivain (sic) que Nelly Arcan a été « suicidée » ; comme le dit fort justement, et dans une perfection lapidaire, une certaine CalamitySandrine sur un blog québécois (1) où j’ai vainement tenter de discuter, « on l’a tuée de sa propre main ». Mais comment cette société, qui a produit les conditions suffisantes et nécessaires à l’émergence puis à la disparition d’un tel écrivain (sic), aurait-elle le cran de se regarder bien en face, dans le miroir de ses constantes trahisons ?
Le blog en question est à ce titre tout à fait représentatif de cette tendance, j’oserais dire cette force d’attraction collective vers la pop-psychanalyse, l’humanisme new-age, l’égomanie consensuelle et le syncrétisme post-moderniste, on est ici pour verser quelques larmes, en précisant parfois que l’on n’a rien lu d’elle (quel intérêt, en effet, s’agissant d’un écrivain) et s’offusquer dès lors que l’on ose remettre en question le « modèle québécois », qui est précisément le seul et unique responsable de cette mise à mort dont il s’agit de supprimer toute la singularité en la mixant aussi vite que possible dans le « moule démocratique ». Cet appendicule de la sphère internet aura forgé sans le savoir la nécessité d’écrire ce texte, tout autant qu’il aura servi de test « en temps réel » des formes diverses et variées qu’a prises le néo-conformisme démocratique. Pour un blog se dénommant sans rire « carnet résistant », c’était disons… cohérent avec l’époque.
Et, en fin de texte :
1- Il se reconnaîtra assez vite sans que j’ai besoin de le citer.
Et là, je viens de relire ses commentaires à la suite de mon billet et je crois comprendre que l’homme n’est pas loin d’être un analphabète du web 2.0 (une preuve de plus, il publie ses billets sur un site statique) :
Je pouvais bien ne pas comprendre : pour lui, il semble que mon blogue est une entité fermée, un système, pas un espace de diffusion de mes productions et surtout, d’interaction libre. En vérité, ce n’est pas un monolithe idéologique : des gens avec des avis très divergents viennent croiser le fer ici, mais il a réussi à tous nous mettre dans le même panier. Il n’a pas compris que la blogosphère, dont je fais partie, mais pas lui (et c’est bien son droit), est un ensemble de paniers percés (dans le sens que tout est mis en place pour que l’information circule), et surtout, sans agendas.
Et j’en arrive à cette conclusion parce que je n’ai pas théorisé au sujet de ce suicide dans mon billet, non plus en commentaire. Je me suis repris un peu dans mon deuxième billet, mais je ne crois pas qu’il l’ait lu, puisque j’ai bien mis l’emphase sur le fait que je crois (comme lui — enfin, en partie) que ce suicide est singulier (surtout au niveau de ses répercussions dans la société). Alors, comment peut-il pointer le « cas » de mon blogue si le principal intéressé (moi) n’a, pratiquement, que lancé le sujet? Parce que Renart L’éveillé n’a été seulement qu’une petite crotte dans son calcul. En conséquence de quoi, je me sens nullement insulté, juste intrigué, comme devant un grand puzzle dont je n’aurais pu voir le résultat final dans sa totalité afin de me guider (et le pire, c’est que ces casse-têtes existent, j’en ai déjà donné un à Douce).
Aussi, comment dois-je comprendre sa notice de fin de texte où il m’annonce que je vais me reconnaître « assez vite »? Pensait-il avec une assurance disproportionnée que je suis un de ses lecteurs assidus? Désolé, mais ce n’est pas le cas. Si ce n’avait été du porte-panier qui est venu m’annoncer la grande nouvelle, il aurait écrit quelque peu dans le vide… (Tout cela m’a quand même fait penser d’ajouter « carnet résistant » à mes alertes Google, je l’en remercie). Et, pendant que j’y pense, justement, qu’est-ce qu’il a bien pu vouloir dire par « se dénommant sans rire « carnet résistant », c’était disons… cohérent avec l’époque. »? (Si je puis l’expliquer rapidement, en choisissant « carnet résistant » je voulais jouer avec la dichotomie entre l’image — humoristique — de la solidité matérielle et la résistance abstraite, plus explicitement au simple fait de ne pas céder au silence confortable — donc, objectivement, M. Dantec aurait pu nommer son propre site de cette manière et cela aurait été très logique, puisque, même s’il ne se réclame pas de la même pensée que la mienne, nous avons en commun quelque chose comme un désir de sortir la tête de l’eau pour voir où le courant va — ce que j’ai l’impression de partager avec la majorité de la communauté virtuelle, enfin, celle que je côtoie le plus…)
Encore plus, j’aimerais comprendre d’où il tient que mon blogue est représentatif de la « pop-psychanalyse », de « l’humanisme new-age », de « l’égomanie consensuelle », du « syncrétisme post-moderniste » et du « néo-conformisme démocratique ». Serait-ce moi qu’il vise, ou l’ensemble de l’oeuvre, incluant les contributions des autres blogueurs et simples commentateurs? J’opte toujours pour le deuxième choix, et ça me semble complètement surréaliste, comme je le soulève dans mon titre. Le dinosaure arrive avec ses gros sabots, cependant myope comme une taupe.
Et comme la vie est souvent faite de beaux hasards, je suis tombé plus tôt via Twitter sur un très bon billet de Thierry Crouzet où il arrive à la conclusion que les critiques assassines du web que fait le philosophe Alain Finkielkraut sont finalement basée sur sa non-maîtrise de l’outil :
Finkielkraut finit par avouer qu’il ne sait pas surfer, qu’il ne sait pas se servir de l’outil… et que tout son discours ne fait que révéler sa peur et son ignorance. Il aurait pas pu commencer comme ça notre philosophe. « J’ai la trouille, j’y comprends rien, j’ai l’impression que le monde que j’aime fout le camp. » Au lieu justement de nous parler de lui, de ses tripes, de ce qui à la limite n’est pas information, il tente de construire un discours vide car il n’a pas l’expérience de ce dont il parle. Il évoque l’ascèse, l’étude. Mais sait-il vraiment ce qu’est l’ascèse, sait-il ce qu’est une véritable expérience philosophique ?
Je ne dis pas que Maurice G. Dantec est ce genre de dinosaure là, ce serait trop simpliste. Et même insultant pour lui, étant donné le gouffre idéologique qui les sépare. Finkielkraut manque de référents pour appuyer sa critique, Dantec devrait s’exercer à référer et à référencer…
Un marteau ne peut pas fracasser un crâne de lui-même, il lui faut une intention et surtout un corps mouvant pour l’arracher à la gravité.
Ajout :
Citation de Noam Chomsky (gracieuseté de Lutopium) :
Les intellectuels ont un problème: ils doivent justifier leur existence… La plupart des choses qui sont comprises, à part peut-être certains secteurs de la physique, peuvent être exprimées à l’aide de mots très simples et dans des phrases très courtes. Mais si vous faites cela, vous ne devenez pas célèbre, les gens ne révèrent pas vos écrits. Il y a là un défi pour les intellectuels. Il s’agira de prendre ce qui est plutôt simple et de le faire passer pour très compliqué et très profond. Les groupes d’intellectuels interagissent comme cela. Ils se parlent entre eux et le monde est supposé les admirer, les traiter avec respect, etc. Mais traduisez en langage simple ce qu’ils disent et vous trouverez bien souvent ou bien rien du tout, ou bien des truismes, ou bien des absurdités
Combien la blogosphère a de vies déjà?
Published décembre 1, 2009 blogosphère , opinions , Technologie , Twitter , Web 16 CommentsÉtiquettes : 140 caractères, @swanpr, actes de conversation, agonie, échange, états d'âme, blogosphère, Blogue : chronique d'une mort annoncée, Bruno Walter, commentaires, communauté, consommer, conversation, démocratiser l'expression, diffuser, disparition, effet de mode, egocasting, expérience, Facebook, fil RSS, flux, Flux / Écriture Virale, forums, Information, internaute, isolement, le Flux, Le Modérateur, libre, médias sociaux, Michelle Blanc, mort naturelle, mutation, Outil, ouverture, phénomène, Philippe Martin, Pierre Fraser, plateforme, référence, Réflexion, recherche, ruisseau, service, site, talk of the town, topique, Twitter
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Selon certains, la blogosphère serait dans une lente agonie depuis assez longtemps. Par exemple, l’utilisatrice @swanpr me parle en ce moment même sur Twitter de « mort naturelle » pour la décrire. Ce à quoi je réponds que je trouve que le terme « mort » à toujours été trop fort à mon goût. Et que même les forums ne sont pas « mort »…
Donc, serait-ce que ce qu’on qualifie de « mort » est du domaine de l’effet de mode, de ce que mon interlocutrice qualifie par « pass[er] le stade du phénomène »? Pour ma part, c’est ce que je crois. C’est simplement que le « talk of the town », c’est Twitter, beaucoup encore aussi Facebook. Mais, du côté de Pierre Fraser (auteur de Flux / Écriture Virale), c’est autrement. Pour dire vrai, c’est son billet « Blogue : chronique d’une mort annoncée » qui est le point d’ancrage de ma réflexion.
Si je peux condenser son propos le plus simplement possible, il dit que l’internaute, totalement libre de consommer et de diffuser de l’information de la manière qui lui chante (egocasting), choisira de plus en plus « les actes de conversation » que magnifient les outils comme Twitter et Facebook. Pour ce qui est des blogues, il considère que la majorité des billets sont d’humeur (assez péjorativement je crois), que la blogosphère a échoué dans son rêve de démocratiser l’expression, que « personne ne s’intéresse aux blogueurs, mis à part quelques cas exceptionnels. » (En passant, il va jusqu’à ne pas vouloir fournir de fil RSS pour son site — le bouton pour se faire se rend jusqu’à Twitter — et n’y permet pas les commentaires…) Une chance qu’il écrit :
Et c’est ce que je pense aussi. Par contre, je ne suis pas tout à fait d’accord avec cet antagonisme qu’il construit, car cela m’apparaît trop extrême :
Quand on pense en terme de communauté, ça me semble être le contraire. Parce que le lieu du blogue condense les conversations (parce qu’il y en a, encore…), les rends à la base plus visibles en raison de l’importance du sujet (les billets qui agissent comme rassembleurs, à la manière des topiques dans les forums), tandis que, par exemple, les conversations sur Twitter sont plus furtives, officieuses, sujettes au hasard du moment où les utilisateurs y sont, a contrario du caractère plus « officiel » des blogues. Aussi, quand on est amplement impliqué sur le web, il est plus facile de suivre un grand nombre de blogues sans rien manquer (par la magie des fils et des agrégateurs) que de suivre un grand nombre de comptes Twitter. Ce qui revient à l’image du ruisseau que Michelle Blanc utilise pour décrire le flux de ce service.
Et même, si je me réfère à l’introduction de ce billet, où je décris une conversation, l’impact du blogue sur les événements conversationnels est accru. Combien de gens ont dû suivre cette conversation directement sur Twitter avant que je la relève ici? Pas bien plus que deux : moi et elle. Pourtant, j’ai trouvé qu’elle était assez intéressante pour m’en servir afin d’introduire mon sujet.
Si je peux concocter une image simple, Twitter c’est jaser à la sauvette dans la rue ou dans un bar, un blogue c’est s’installer dans un salon avec un verre de vin… Et dans l’optique où tout est filmé (inscrit quelque part sur le web), le fouillis de Twitter rend les recherches ardues, repose beaucoup sur l’impondérable, tandis que la blogosphère est, si je puis m’exprimer ainsi, un modèle de classification. La force de Twitter est l’instantanéité (le Flux), celle de la blogosphère repose plus sur la longévité et la référence, je dirais. Ce sont visiblement des compléments.
J’en ai eu la preuve après-coup. Je suis tombé sur un billet d’un dénommé Bruno Walter qui décrit l’expérience intense du deuxième accouchement de sa compagne (avec complications), qu’il a vécue positivement grâce à Twitter. Il raconte que le fait de publier sur son compte ses états d’âme et de recevoir des réactions des autres utilisateurs a rendu son expérience beaucoup plus humaine :
C’est une très belle histoire, et qui pour moi en plus concrétise l’importance du blogue, encore aujourd’hui. Impossible de traduire émotionnellement ce moment à coups de 140 caractères. Et si cet homme n’avait pas eu de blogue pour s’épancher, qu’aurait-il fait, vous croyez? Twitter n’est même pas le meilleur outil pour parler de lui-même, de ses bons coups…
Mais je ne prône pas naïvement un retour en arrière. Comme Le Modérateur, je constate que les commentaires sur les blogues sont généralement en baisse et que nous « n’assistons pas, bien sûr, à la disparition de la blogosphère, mais à une mutation des échanges et des communautés. » (Trouvé via @visionwebnet.)
Et pour terminer en beauté, je laisserai la parole à Philippe Martin, une citation de son billet « Et on reparle encore de la mort des blogs » :
(Photo : frogmuseum2)