L’accent de cheu nous

La Fêlée, la blogueuse de Juste un peu frustrée, a fait de l’insomnie hier, comme elle le dit chez elle. Elle en a profité pour dénicher un article au sujet d’un phonéticien qui étale le résultat de ses recherches sur l’origine des différences entre les accents québécois et français.

C’est bien sûr anecdotique en très grande partie, comme toute l’Histoire, et nous devrions donc arrêter de nous autoflageller… Notre accent n’est pas mieux ou pire que celui de nos cousins.

Quelques citations pour les pressés :

Pendant longtemps, deux modèles de diction ont coexisté dans la Ville lumière, souligne M. Gendron : le «grand usage», qui était la langue savante des discours publics, employée au Parlement de Paris, dans les cours de justice, par la bourgeoisie instruite et au théâtre; et le «bel usage», utilisé en privé dans les salons de la noblesse. Sa prononciation, plus relâchée que celle du grand usage, devait paraître «naturelle», c’est-à-dire ni vulgaire, ni affectée.

Elle avait tendance à tronquer certaines lettres et faisait rager beaucoup de grammairiens français. Le bel usage prononçait ainsi, entre bien d’autres : «leux valets», «sus la table», «quéqu’un», «velimeux», «des habits neus», «ostiner», «neyer» (noyer), «netteyer», «frèt», etc.
[…]
Mais la haute société parisienne, qui a longtemps flotté entre les deux accents, bascule totalement à la révolution de 1789. Le roi de France, ou le «rouè», comme il disait peut-être, est décapité. L’aristocratie, dont le prestige donnait jusque-là préséance au bel usage, fuit la France (quand elle le peut), ce qui laisse toute la place à la bourgeoisie et à «sa» manière de parler.
[…]
Ce changement de la prononciation parisienne — certaines consonnes, comme le r manquant de «sus la table», seront carrément restaurées, dit M. Gendron — se fera aussi très vite, à l’échelle de l’histoire des langues : quelques décennies tout au plus. «Cela s’est fait naturellement, dit M. Gendron. Personne ne s’en est rendu compte.
[…]
«Alors quand les voyageurs reviennent avec le nouvel accent qu’ils ont acquis à la révolution, ils ne comprennent plus. Ils ont oublié leur ancien accent, qu’ils retrouvent chez les Canadiens, mais sans savoir que c’était le leur», dit M. Gendron. Et comme la langue de Paris est la référence la plus courante en français, les visiteurs des autres pays basèrent dessus leur opinion de l’accent canadien.

(Photo : smosch)

Ajout :

Le Détracteur Constructif ajoute de très pertinentes informations à ce sujet ici.

11 Réponses to “L’accent de cheu nous”


  1. 1 Plotin mars 4, 2008 à 10:02

    Salut Renart,

    Comme disait Louis XIV : « le roué, c’est moé! » Effectivement, après la Révolution, valait mieux ne plus prononcer comme l’aristocratie, sous peine de perdre littéralement la tête. Alors qu’ici, on est resté fidèle à la noblesse de la langue, après 1789. C’est pourquoi nous avons conservé plus de sons français que les Français eux-mêmes. Aujourd’hui, les Français n’entendent plus la différence entre les sons é et è, par exemple, et ils confondent à l’oral le conditionnel et le futur. Sans compter les sons comme le « oune» à la fin des mots. Si l’on ajoute à cela les emprunts plus nombreux de nos cousins à l’anglais, on pourrait presque arriver à la conclusion que notre français est plus « pur », c’est-à-dire plus près de celui d’avant la Révolution.

    Bonne fin de journée.

  2. 2 Martin Beaudin-Lecours mars 4, 2008 à 10:41

    Enfin, on fait oeuvre de pédagogie! Ça rejoint ce que je tentais d’expliquer récemment à quelques personnes convaincues de la supériorité de leur français alors que leurs ancêtres se sont fait imposer une forme post-révolutionnaire qu’à partir des années 1830.

    Vive la belle langue française du Québec!

    Je recommande à nouveau à tous ce site: http://www.tlfq.ulaval.ca/axl/francophonie/histfrnqc.htm

  3. 3 Davidg mars 4, 2008 à 10:50

    Excellent billet Renart!

    Il est primordial que les Québécois comprennent de plus en plus cette partie de notre histoire.

    Faudrait l’expliquer à Christian Rioux!

  4. 4 Philippe David mars 4, 2008 à 11:25

    Très bonne synthèse…

    Il faudrait mentionner aussi que le cinéma a toujours eu une représentation factice de la noblesse française. Dans tous les films (ou presque), ont voit les nobles s’exprimer avec l’accent bourgeois hautain et le petit peuple parle en argot.

    Si vous voyagez en Normandie, vous y constaterez aussi une similarité avec notre accent. C’est que beaucoup de colons québécois viennent de cette région.

  5. 5 renartleveille mars 4, 2008 à 11:50

    Plotin,

    merci d’avoir ajouter autant de valeur à mon billet!

    😉

    Martin Beaudin-Lecours,

    et le pire, tout ça ne nous empêche pas d’améliorer notre français oral pour rejoindre un peu plus la norme mondiale. Nous ne sommes pas seuls… Mais tout ça relativise!

    DavidG,

    oui, en effet, Christian Rioux…

    Philippe David,

    pendant mes études universitaires, j’ai connu une fille et je pensais qu’elle venait d’en région, mais non, elle était française. Pas sûr que c’était de la Normandie par contre, peut-être une autre région. Dans le fond c’est l’accent parisien ultra représenté qui fausse la note…

  6. 6 Alain B. mars 4, 2008 à 13:53

    J’adore ce type d’information. Vive les blogues!

    L’idée de Plotin quant à la « pureté » de notre langue par rapport à celle de nos cousins est intéressante… mais faut pas trop pousser… en l’absence d’une culture éctrite forte (ce qui fut notre cas), il est difficile de me pas imaginer qu’une fois la cission faite entre les deux accents, le notre n’a pas aussi dévié à sa façon…

    D’une manière qui provoquerait autant l’hilarité chez les pratiquants du « bel usage » que le ferait l’accent de leurs descendants parisiens.

  7. 7 Sylvain mars 4, 2008 à 18:24

    L’Accent fait le bonheur!

  8. 8 Sylvain(B) mars 4, 2008 à 19:15

    Ce que je disais récemment à mes élèves va dans le sens de ce billet. Je crois que je vais leur mettre en référence sur mon blogue scolaire, ou peut-être aussi l’autre blogue, celui que j’utlise le plus, finalement, celui que tu connais 😉

  9. 9 Guillaume Lamy mars 4, 2008 à 23:05

    L’origine de l’accent Québécois a également été abordé dans le livre « La grande aventure de la langue française » écrit par Jean-Benoît Nadeau et Julie Barlow (Québec-Amérique 2007).

    Ces deux auteurs sont les Québécois les plus lus dans le monde avec plusieurs centaines de milliers de copie vendue.

    Le thème de l’origine de l’accent québécois a été abordé lors d’une entrevue disponible ici :

    http://www.publications-universitaires.qc.ca/?p=38

    À bientôt.
    GL

  10. 10 le professeur masqué mars 5, 2008 à 14:23

    Dans la même veine, je te suggère la lecture de La grande aventure de la langue française. Tu y feras des découvertes passionnantes.


  1. 1 D'où vient l'accent des Québécois? Et celui des Parisiens? | Le Détracteur Constructif Rétrolien sur mars 5, 2008 à 7:39

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