Comme on le voit avec le phénomène des blogues (surtout ceux où se discute l’actualité), la participation politisée des citoyens en phase avec les nouvelles technologies est magnifiée au point où l’exercice traditionnel de la démocratie par le droit de vote semble aujourd’hui insuffisant. Dans un monde idéal, le pouvoir de décision appartiendrait réellement au peuple et l’utilisation du réseau Internet à cette fin serait la solution. L’accélération exponentielle de l’évolution des activités humaines et la plus grande complexité de notre rapport à la société commande une aussi grande évolution de la part de l’appareil gouvernemental pour donner une plus grande place à la vigilance des citoyens. Alors, pourquoi se priver d’une possibilité aussi évidente? Le Québec, en se lançant dans la modification de son système au diapason de la technologie, pourrait faire figure de proue au niveau mondial et donner le ton pour le futur.
À la lumière du scandale des commandites, devant le risque de plus en plus grand de dérapage des politiciens face à notre démocratie qui se déguise alors parfois en demi-dictature, le phénomène des blogues, comme métaphore des forces vives d’une société énergique et concernée, m’apparaît assez représentatif du changement à opérer dans le rapport entre le citoyen et les élus. J’admets que ce changement ne pourrait qu’advenir graduellement, en suivant l’évolution des mentalités et de l’augmentation de l’utilisation (sécuritaire) de la technologie, mais il ne tient qu’à nous de pousser dans ce sens. Imaginez-vous chaque message sur un forum ou un blogue comme une personne dans une manifestation tenant une pancarte avec un message assez élaboré, lisible par quiconque, et vous comprendrez pourquoi je milite par ce texte pour une décentralisation du pouvoir politique avec l’aide de la technologie.
De toute manière, je crois qu’il faut déjà s’attendre à voir de plus en plus les citoyens s’impliquer dans ce sens, étant donné la facilité avec laquelle tout un chacun peut participer à la démocratie (donc à la liberté d’expression) dans le confort de son foyer. Voilà bien la preuve que l’impopularité grandissante de la politique est due à un sentiment d’impuissance, situation qui semble un peu se redresser aujourd’hui grâce à la popularité et à l’influence de quelques blogueurs – dont Patrick Lagacé – et à l’enthousiasme des gens, dont je fais partie, qui participent au brassage et au choc des idées dans ce média évolutif (j’ai retrouvé récemment l’intérêt pour la politique grâce aux blogues).
Donc, à l’instar de tout bon phénomène de société, toujours embryonnaire de quelque chose de nouveau, je me permets de croire que cela contribuera à faire naître un système démocratique participatif et anti-bureaucratique, relayant notre système parlementaire britannique, archaïque et balourd, à quelques chapitres des livres d’histoire.
Selon ma vision, le rôle des politiciens devra changer pour devenir celui d’accompagnateur et de mentor dans un système décisionnaire décentralisé où le citoyen aurait la majorité du pouvoir. Alors serait-ce une utopie, une erreur de croire que la politique se portera mieux à mesure qu’elle serait envahie par une démocratie vraiment participative, ouverte et inclusive, portée par la facilité d’action intrinsèque à la technologie, même si par cela la politique, dans sa forme actuelle, serait portée à disparaître? Je suis convaincu du contraire. La preuve: on voit bien en ce moment que le paysage politique change grâce à la (sur)utilisation des sondages et à la montée en force d’un discours populiste représenté politiquement par l’ADQ, symptomatique d’un ras-le-bol ambiant face à la surdité légendaire des politiciens. Par contre, je suis très loin de dire que l’utilisation des sondages est parfaite et que le populisme est la solution à tous nos problèmes. Sur ce, je ne me gênerai pas pour dire que l’interprétation des sondages par les partis – et leurs supporteurs – n’a pour but que de manipuler stratégiquement l’information afin de leur permettre de se positionner le plus près possible de la prise du pouvoir, et, du seul côté de ces médias intéressés, pour mettre de l’avant des idéologies sous le couvert convainquant de l’objectivité journalistique. Le sondage – mit en très grande évidence pendant un bon bout de temps dans la section « Élection » du site « Cyberpresse »- sur les intentions de vote au Saguenay-Lac-St-Jean en est pour moi un bon exemple: La Presse montrait fièrement la possible défaite du PQ dans son propre bastion souverainiste en guise d’appui au fédéralisme, donc au PLQ. Et, du côté strictement médiatique, nous avons bien vu, avec toute l’histoire des sondages sur le racisme publiés par Le Journal de Montréal, que les sondages ont souvent pour but de mousser la vente de leurs publications et de grossir globalement la redevance publicitaire de leurs émissions en créant de toutes pièces avec cet instrument de l’événement, du sensationnalisme.
Quant au populisme de l’ADQ, je trouve que Mario Dumont va encore plus loin dans cette quête démagogique. Par contre, ça serait redondant de ma part de répéter qu’il a improvisé son programme selon toutes les dernières informations disponibles, selon toutes les tendances à la mode, je me garderai donc d’élaborer encore plus longuement sur ce sujet… Mais devant ce concert de manigances, dont le PQ n’est surtout pas en reste (la liste de leurs faux pas n’est pas secrète), j’ai la nette impression que les trois principaux partis s’éloignent de plus en plus de l’idéal démocratique qui nous tient tellement à cœur; en regardant autour de moi j’en doute parfois, encore plus quand je vois Jean Charest… Quant aux deux autres partis (presque) visibles, QS et le PV, leur manque de moyens et leur discours alternatif les rendent pratiquement intouchables, quoique l’avenir nous le dira.
Mis à part le jugement assassin que j’en ai fais, je voulais simplement utiliser ces exemples pour faire ressortir qu’il est déjà possible d’intervenir au jour le jour dans les aboutissants de la politique par des consultations citoyennes qui tâtent le pouls de la population, et que l’on pourrait se débarrasser de la partisanerie qui mine le populisme et les sondages pour créer un nouveau besoin populaire de s’impliquer dans les décisions communes.
À partir du moment où c’est évident que nous nous lançons déjà (et assez maladroitement) dans cette voie, une utilisation judicieuse de la technologie dans le processus démocratique pourrait faire la différence dans l’avenir. Entre la prise de pouvoir théâtralisée que l’on nous sert maintenant, opportuniste, mené par un marketing de façade et, au contraire, l’idée d’un futur système transparent, où le meilleur de chacun pourrait se manifester volontairement, où le pouvoir de décider serait réparti de plus en plus à tous et chacun, vers où allons-nous choisir d’aller? À mon avis, il n’y aurait qu’une minorité de gens pour choisir de rester dans l’enlisement du pouvoir que nous subissons, dans ce statu quo malsain: ceux-là ont déjà assez profité de la situation, nous n’attendons que le retour du balancier.
Au-delà du rêve, du projet positif, il est clair qu’il faut dès maintenant être vigilant face à l’hypothétique évolution d’une démocratie technologique car là où il y a une multitude de chemins à prendre, il y aura toujours un risque exponentiel de dérapages et de feux à éteindre. En parlant de feu, je sens déjà que cette idée risque de provoquer les hautes classes politiques, économiques et intellectuelles qui y verront naturellement une possible perte de leur pouvoir sur les masses, qui sont devenues, pour leur plus grand plaisir, encore plus facilement malléables depuis les dernières vagues revendicatrices des années 70 (il me semble que la montée en catimini du néo-libéralisme en est bien la preuve). Mais ce que je prône, à défaut d’être encore très étoffé, est au moins humaniste. Et, surtout, cela pourrait changer la dynamique de la société au point où nous ne pourrions que nous blâmer nous-mêmes face aux problèmes, ce qui nous responsabiliserait d’emblée. Du moins, je l’espère.
C’est malheureux mais aujourd’hui, admettons-le, nous sommes dans une dynamique de chasse aux sorcières car la politique nous est présentée comme un concours d’opinions manipulées à coup de promesses inlassablement non tenues et de pirouettes des politiciens qui, dans une logique d’accumulation des intentions de vote, sont pris en otage par la langue de bois. Certains espèrent nous hypnotiser en nous lançant du vide, d’autres nous endorment par la répétition, et d’autres encore s’habillent en miroir pour tenter de nous refléter le plus possible, tous bien sûr prêts à repartir à neuf et dans une autre direction au lendemain des élections.
C’est que j’aimerais bien pouvoir voter facilement sur n’importe quel sujet, qu’il y ait des référendums hebdomadaires, mensuels, sur des questions d’actualité. Pouvoir m’impliquer intellectuellement dans un dossier chaud, un projet de loi, sans avoir à me déplacer, à m’investir totalement jusqu’à devenir politicien pour faire avancer une cause sociale qui me tient à coeur, et ainsi continuer à avoir une vie, des passions.
Encore, j’aimerais bien pouvoir décider, du moins en partie, où mes impôts iront; donc, j’aimerais bien qu’on cesse de me dire: « Paye et tais-toi ». Mais j’aimerais surtout que cela contribue à éliminer la hargne ambiante que provoquent pendant quatre ans nos choix de votation flous et individualistes, qui ne donnent jamais les résultats escomptés. Nous pourrions ainsi nous diriger vers un peu plus de transparence, de justice, d’éducation, faire de nous des citoyens éveillés et conscients, des citoyens impliqués et heureux de faire partie prenante de la société.
Finalement, pour ajouter un dernier clou de fantaisie à ma construction, je propose que cette projection visionnaire soit en totale contradiction avec les scénarios futuristes cauchemardesques d’un monde à la merci de la technologie qui ont meublé les imaginations depuis George Orwell avec son « 1984 » jusqu’aux frères Wachowski avec la trilogie « Matrix ». Simplement pour l’implanter, par une superstition métaphorique, dans un terreau fertile et optimiste.
Un dinosaure dans la blogosphère
Published octobre 14, 2009 blogosphère , opinions , philosophie , Web 60 CommentsÉtiquettes : Alain Finkielkraut, alertes, Analphabète, écrivain, époque, blogosphère, Blogue, burqa, Canada, carnet résistant, commentateur, communauté, confusion, conservatrice, démocratique, espace de diffusion, essayiste, Georges Fedorov, Google, idéologique, Information, interaction, Internet, la peine de mort, Liberté, libre, liens entrants, Maurice G. Dantec, monde, mystère, Nelly Arcan, Noam Chomsky, notification, philosophe, rétablissement, romancier, science-fiction, singularité, Suicide, surréaliste, Technologie, Thierry Crouzet, Twitter, veille, virtuel, Web 2.0
Visitez mon nouveau blogue : http://www.renartleveille.com/
Dans ce monde virtuel, malgré une veille assez large, malgré des alertes Google, malgré la technologie de notification des liens entrants, l’humain est toujours utile. C’est qu’à la suite de mon premier billet en lien avec le suicide de Nelly Arcan, quelqu’un est venu m’indiquer qu’un autre commentateur, qui signait « Georges Fedorov », était en fait Maurice G. Dantec, romancier (surtout de la science-fiction) et essayiste (dans la mouvance conservatrice — il « défend ouvertement le rétablissement de la peine de mort au Canada »). Mais à la base, pourquoi avoir endossé cette burqa anonymisante au lieu de commenter courageusement et ouvertement?
Autre bavasserie de l’utile humain : l’écrivain a pondu, suite à son séjour en mes terres (hé hé!), une galette (objet de forme ronde et plate) où il vise mon blogue et/ou moi et/ou les gens qui nous regroupons ici pour discuter. Et la répétition des « et/ou » n’est pas une tentative stylistique, tout ça me fait encore barboter en pleine confusion…
Lisez plutôt :
Et, en fin de texte :
Et là, je viens de relire ses commentaires à la suite de mon billet et je crois comprendre que l’homme n’est pas loin d’être un analphabète du web 2.0 (une preuve de plus, il publie ses billets sur un site statique) :
Je pouvais bien ne pas comprendre : pour lui, il semble que mon blogue est une entité fermée, un système, pas un espace de diffusion de mes productions et surtout, d’interaction libre. En vérité, ce n’est pas un monolithe idéologique : des gens avec des avis très divergents viennent croiser le fer ici, mais il a réussi à tous nous mettre dans le même panier. Il n’a pas compris que la blogosphère, dont je fais partie, mais pas lui (et c’est bien son droit), est un ensemble de paniers percés (dans le sens que tout est mis en place pour que l’information circule), et surtout, sans agendas.
Et j’en arrive à cette conclusion parce que je n’ai pas théorisé au sujet de ce suicide dans mon billet, non plus en commentaire. Je me suis repris un peu dans mon deuxième billet, mais je ne crois pas qu’il l’ait lu, puisque j’ai bien mis l’emphase sur le fait que je crois (comme lui — enfin, en partie) que ce suicide est singulier (surtout au niveau de ses répercussions dans la société). Alors, comment peut-il pointer le « cas » de mon blogue si le principal intéressé (moi) n’a, pratiquement, que lancé le sujet? Parce que Renart L’éveillé n’a été seulement qu’une petite crotte dans son calcul. En conséquence de quoi, je me sens nullement insulté, juste intrigué, comme devant un grand puzzle dont je n’aurais pu voir le résultat final dans sa totalité afin de me guider (et le pire, c’est que ces casse-têtes existent, j’en ai déjà donné un à Douce).
Aussi, comment dois-je comprendre sa notice de fin de texte où il m’annonce que je vais me reconnaître « assez vite »? Pensait-il avec une assurance disproportionnée que je suis un de ses lecteurs assidus? Désolé, mais ce n’est pas le cas. Si ce n’avait été du porte-panier qui est venu m’annoncer la grande nouvelle, il aurait écrit quelque peu dans le vide… (Tout cela m’a quand même fait penser d’ajouter « carnet résistant » à mes alertes Google, je l’en remercie). Et, pendant que j’y pense, justement, qu’est-ce qu’il a bien pu vouloir dire par « se dénommant sans rire « carnet résistant », c’était disons… cohérent avec l’époque. »? (Si je puis l’expliquer rapidement, en choisissant « carnet résistant » je voulais jouer avec la dichotomie entre l’image — humoristique — de la solidité matérielle et la résistance abstraite, plus explicitement au simple fait de ne pas céder au silence confortable — donc, objectivement, M. Dantec aurait pu nommer son propre site de cette manière et cela aurait été très logique, puisque, même s’il ne se réclame pas de la même pensée que la mienne, nous avons en commun quelque chose comme un désir de sortir la tête de l’eau pour voir où le courant va — ce que j’ai l’impression de partager avec la majorité de la communauté virtuelle, enfin, celle que je côtoie le plus…)
Encore plus, j’aimerais comprendre d’où il tient que mon blogue est représentatif de la « pop-psychanalyse », de « l’humanisme new-age », de « l’égomanie consensuelle », du « syncrétisme post-moderniste » et du « néo-conformisme démocratique ». Serait-ce moi qu’il vise, ou l’ensemble de l’oeuvre, incluant les contributions des autres blogueurs et simples commentateurs? J’opte toujours pour le deuxième choix, et ça me semble complètement surréaliste, comme je le soulève dans mon titre. Le dinosaure arrive avec ses gros sabots, cependant myope comme une taupe.
Et comme la vie est souvent faite de beaux hasards, je suis tombé plus tôt via Twitter sur un très bon billet de Thierry Crouzet où il arrive à la conclusion que les critiques assassines du web que fait le philosophe Alain Finkielkraut sont finalement basée sur sa non-maîtrise de l’outil :
Je ne dis pas que Maurice G. Dantec est ce genre de dinosaure là, ce serait trop simpliste. Et même insultant pour lui, étant donné le gouffre idéologique qui les sépare. Finkielkraut manque de référents pour appuyer sa critique, Dantec devrait s’exercer à référer et à référencer…
Un marteau ne peut pas fracasser un crâne de lui-même, il lui faut une intention et surtout un corps mouvant pour l’arracher à la gravité.
Ajout :
Citation de Noam Chomsky (gracieuseté de Lutopium) :