Le terme « blogue » a été entendu, dixit la bouche de François Avard, par environ 2 millions de personnes à Tout Le Monde En Parle dimanche dernier. De quoi se réjouir? Pas vraiment, surtout que grand-papa Bougon faisait seulement allusion à la fausse catégorie « blogue » (donc pas du tout à nous), celle qu’il connaît par coeur, pour y avoir été impliqué avec Ici-Canoë-Quebecor (sûrement un peu à contrecoeur), celle des chroniqueurs professionnels enrubannés de force au Web 2.0.
Quand on te demande de créer l’illusion de dialoguer et d’interagir, et que tu te satisfais amplement du lien de confiance qui te permet de payer ton loyer, il y a un risque nauséeux.
Je pense à Martineau qui, dès le départ dans son aventure « blogue », avouait se foutre totalement de l’avis de ses lecteurs (ça m’avait marqué, car quand j’ai lu ça je commençais à m’intéresser aux blogues — pas encore aux vrais par contre…). Je pense aussi à Pierre Foglia qui se plaignait que ça l’emmerdait royalement de recevoir des lettres de ses lecteurs, surtout ceux qui n’étaient pas d’accord avec lui (il me semble que c’était même en plus un thème récurent voilà quelques années). Je pense qu’il y a un monde qui sépare le blogueur du chroniqueur, même si le premier emprunte beaucoup au deuxième…
Imaginez justement un Foglia interagir totalement avec un Martineau comme je discute littérairement, parfois assez solidement, avec mon ami Eric Bondo, l’homme derrière le blogue L’équilibriste. Et je ne fais surtout pas de mauvais jeu de mot (ou plutôt de nom), ni de comparaison boiteuse, ni de jugement de valeur, au contraire, peut-être qu’un choc des chroniqueurs de la sorte me donnerait le goût de me remettre à Martineau, le temps d’une réflexion ou deux.
Blogue est synonyme de, et rime avec, dialogue, c’est pas pour rien! Quand on enlève la dialogique du blogue, il ne reste qu’un outil sans vie, que des possibilités en déficit, qu’une exposition de textes annotés par le lectorat. Et j’ose espérer que nous allons un peu plus loin que ça!
En parlant de chroniqueur, je viens de me faire totalement surprendre (pas tant que ça dans le fond…) par le dernier billet de Steve Proulx qui, par son titre, pose la question : Trop de blogues? Il relate une étude qui arrive à quelques conclusions, dont celles que les « textes sont davantage lus sur Internet que dans les versions papier des journaux et ce, peu importe leur longueur » et que les gens « posaient peu les yeux sur les blogues ou le contenu multimédia. » Soit. Jusqu’ici tout va bien.
Et il répond à la question de son titre en s’appuyant sur l’opinion de la chercheuse Sara Quinn qui croit « qu’il y a trop de blogues ». Et la dernière phrase citée m’apparaît assez obscure : « On pense que les lecteurs veulent savoir à tout prix ce que les autres pensent. » Premièrement, qu’est-ce qu’il y a de mal là-dedans? Et, si les « lecteurs veulent savoir à tout prix ce que les autres pensent », pourquoi alors les lecteurs posent-ils « peu les yeux sur les blogues »? Encore une petite dernière : si on peut se demander s’il y a trop de blogues, on peut se demander également s’il y a trop de chroniqueurs, de journalistes, d’humoristes, de chanteurs et chanteuses, de bla-bla-bla, et surtout d’humains?
Mais ce qui est drôle, c’est que Steve Proulx faisait oeuvre d’anticipation dernièrement dans un billet où il tentait de projeter son regard jusqu’à l’année 2028, son port d’attache fictionnel, au niveau de l’évolution des médias, son champ de compétence principal au journal Voir. J’ai bien ri quand j’ai lu ceci :
C’est en 2012 que Le Devoir a laissé tomber le papier. Cette année-là, le Voir, un hebdo culturel dans lequel j’ai sévi au début de ma carrière, devenait une communauté de blogues citoyens.
Et dans son dernier billet, il ironise un bon coup :
Je prédis d’ailleurs un avenir pour les blogues: ils se regrouperont pour former des « super-blogues » alimentés quotidiennement par des « super-blogueurs » spécialisés dans plusieurs domaines : sport, culture, finances, politique, vins, mode.
Dans le temps, on appelait cela des « journaux ».
Quand on dit que les blagues ont toujours un fond de vérité…
Je ne sais pas pour vous, mais moi je trouve, de son côté et du côté des journalistes en général, que ça commence à tourner à l’obsession (en ajoutant toutes les allusions qu’il a pu faire là-dessus depuis que je le lis, et bien sûr aussi celles de tous les autres, sans oublier l’expression « journalisme citoyen » qui a passé à la guillotine virtuelle dernièrement…). Et en plus, ce qu’il prédit existe déjà et ça s’appelle Cent Papiers, genre… Et ça me surprendrait que ça supplante un jour le combo TVA-Radio-Canada-La Presse auprès des internautes québécois. Faut pas charrier!
Alors, est-ce que le contenu citoyen sur le web est si terrorisant? Est-ce que les internautes devraient seulement pouvoir lire les sources d’information corporatistes et avoir accès seulement à la culture via les entreprises culturelles établies?
De plus en plus il se dessine une tentative insidieuse de nous mettre le bâillon. Si on considère comme moi que le web est la nouvelle « place publique », il ne devrait pas y avoir d’« interdiction d’attroupement », même si c’est principalement par le dénigrement qu’elle se manifeste…
Votez pour ce billet sur Cent Papiers!
Ajout :
Patrick Dion continue la réflexion de son côté (et Steve Proulx est venu répondre à ce billet, à lire en commentaire plus bas.)
Débat des chefs : nul!
Published novembre 26, 2008 opinions , politique 14 CommentsÉtiquettes : bilan, cacophonie, catastrophique, chef, commentaires, débat, débat des chefs, fendant, Jean Charest, La Presse, Mario Dumont, match nul, opposition, Parti Libéral, partisan, Pauline Marois, Performance, Population, sérieux, snob, spectateur, Steve Proulx
Bien cacophonique ce débat. Jean Charest m’a réellement tapé sur le petit nerf, il me semblait que son visage se déployait en plusieurs tons de rouge tout au long des deux heures. Peut-être que la population trouve Pauline Marois snob, mais Jean est fendant comme pas possible. À choisir entre quelqu’un de snob et quelqu’un de fendant, je choisi le snobisme, ça me semble plus doux à l’oreille et à l’oeil.
Justement, Pauline m’a bien fait rire avec ses commentaires aux paroles de Jean, malgré le fait qu’elle poussait la note réactive parfois un peu trop fort. Ses réactions étaient bien humaines pour une dame que l’on accuse de se placer sur un piédestal… En tant que spectateur, c’est bien à elle que je m’identifiais.
Mario Dumont m’a aussi bien impressionné par son sérieux. Moins pour ses idées, ça, c’est sûr! Dommage pour lui et ses partisans que son bilan comme chef de l’opposition soit si catastrophique, sa performance au débat l’aurait grandement aidé.
En réaction au titre d’un article de La Presse, « Match nul », Steve Proulx trouve que « c’était nul ». Je ne suis pas d’accord, parce que si je me suis amusé en le regardant, je ne peux pas trouver ça nul… Et puis, donner comme pronostic « match nul », c’est un peu trop faire gagner le chef du Parti Libéral à mon goût!
(Photo : Jérôme Mercier)