Philippe Schnobb fait une chronique sur le site Sur le Web au sujet du journalisme citoyen, sur les conclusions de la fédération des journalistes et « On y a dit que le journalisme citoyen n’existe tout simplement pas. » Il y a eu des réactions du côté de Mario tout de go (Mario Asselin) et d’Oniquet (Olivier Niquet). J’y ai laissé mon point de vue en commentaire, que j’ai expliqué aussi, oralement, à Frédéric Laflamme la semaine dernière; mais j’aimerais bien l’exposer ici aussi et même poursuivre la réflexion.
Voilà, je crois que le dénominateur commun entre le journalisme traditionnel et celui dit citoyen repose essentiellement sur l’idée de la chronique. On peut faire un calcul simple : est-ce qu’un chroniqueur est un journaliste? Oui. Est-ce qu’on peut dire d’un blogueur qu’il fait dans la chronique? Oui. Alors, voilà le lien à mon sens (il y a aussi l’importance de vouloir s’inscrire dans une démarche comme telle). Sinon, il faudrait faire une distinction claire entre les chroniqueurs et les journalistes.
Et, il est difficile pour le blogueur d’aller au-delà de la chronique étant donné le caractère bénévole du blogue, à priori (d’un autre côté, l’appropriation des blogues par les journalistes est plus un phénomène de mode qu’un désir de dialogue personnel avec les citoyens : essayer de poser des questions à un journaliste-blogueur pour voir… les chances d’avoir une réponse sont quasi nul – mais, comme dans tout, il y a des exceptions, deux selon Mario Asselin). Il y a l’information véhiculée par les médias, et les réactions dans la blogosphère, rarement du contenu informatif généré par les blogueurs. Sûrement plus pour l’ensemble des citoyens, mais il faut que les citoyens soient au courant de la possibilité de le faire et qu’ils désirent aussi les rendre publiques, s’investir dans le procédé.
Il y a aussi le fait que le terme blogueur est trop large et ne saurait désigner seulement les blogueurs qui discutent de sujets d’intérêt public. Au départ, il ne sert qu’à désigner celui ou celle qui s’épanche sur un carnet web, met à la disposition de tous les internautes ses notes, ses états d’âme. En fait, les premiers web log (d’où le terme blog, qui est apparu à cause du jeu de mots : we blog) n’étaient que des suites d’hyperliens vers des sites web, avec parfois des commentaires. L’implication citoyenne est apparue par la suite. Elle était une possibilité intrinsèque qui a pris de l’ampleur avec la facilité qu’apporte le média blogue.
Donc, je crois que la dénomination « journalisme citoyen » sert simplement de faire-valoir pour les blogueurs qui considèrent leur démarche sérieuse au niveau de l’analyse du contenu médiatique. Mais je comprends bien la réaction des journalistes professionnels à vouloir garder le terme « journalisme » pour eux, de le protéger, avec tout l’aura de crédibilité que cela leur octroie (malgré la baisse de confiance généralisée du lectorat dû à l’importance que prend la commercialisation de l’information — pour ne pas dire le sensationnalisme — dans les grands médias, ce qui influence les choix éditoriaux globalement).
Il y a donc évidemment un déficit de crédibilité des deux côtés même s’il est inégal : de l’un les journalistes parce qu’ils sont assujettit à un employeur qui influe sur l’agenda journalistique de plus en plus, et de l’autre les journalistes citoyens (et/ou les blogueurs) parce qu’ils ne sont pas garants d’un code d’éthique, ne peuvent risquer de perdre leur travail, donc libre de raconter n’importe quoi. Soit. Il y a manifestement un bel équilibre qui se bâtit : l’objectivité que les premiers ont perdue est récupérée par la subjectivité des deuxièmes, qui parfois gagnent en objectivité. Le déficit moins lourd du côté des journalistes est contrebalancé par l’importance de la visibilité qu’ils ont : à contrario, les blogueurs sont moins visibles au total, donc leur manque de crédibilité est moins présent, dans le calcul des influences. Nous verrons bien comment cela évoluera au Québec.
Pour faire baisser la pression (ou en ajouter…), je crois que les journalistes mettent trop l’accent sur le terme « journalisme » dans la dénomination et trop peu sur le terme « citoyen ». Ce dernier est comme une contredanse, une pénalité qui fait bien ressortir le caractère libre de ce « journalisme ». Je ne dis pas non plus bien sûr que les journalistes sont muselés… loin de là, mais ils devraient se battre encore plus pour acquérir davantage de liberté. Et bien sûr les blogueurs, ceux qui le désirent, encore plus de crédibilité.
Au-delà du débat sur le terme « journalisme citoyen », ce que je retiens c’est qu’il y a une belle histoire qui se dessine pour la démocratie. Et Philippe Schnobb y participe d’une merveilleuse manière, je ne peux que l’en remercier chaudement, au nom de tous ceux qui ont à coeur l’implication citoyenne sur le web.
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