Christian Mistral qui s’auto promulgue « plus grand écrivain québécois ex æquo » avec Louis Hamelin, c’est un double talent que je ne me rêve même pas d’avoir! Et ce n’est réellement pas de la fausse ou de la vraie modestie. Je ne sais pas pour les autres, mais je ne voudrais jamais que me quitte le sentiment d’avoir à manger des croûtes… Les amateurs de farces plates me diront que c’est parce que je n’en ai aucune chance, que la marche est trop haute, la montagne trop escarpée : je la rirai à peine jaunement et me dirai que de juger du jugement est une perte de temps! Non mais, il me semble que cela me serait intenable, et j’applaudis à tout rompre Mistral de le graver à vue dans la virtualité et donc dans les mémoires des furtifs dont je suis.
Alors, une autre raison de souligner en gras dans ma liste de lecture un roman de lui (Vamp, d’après ses propres conseils dans la Cabine C), question de vérifier, de m’imprégner, mais j’ai frayeur que la trop grande expectative accumulée ravisse mon but d’objectivité : si objectivité totale se peut devant toute oeuvre d’art. Est-ce que ce serait inutile d’ajouter que tout ce qui se trouve dans le futur peut se ranger du côté de la fiction?
Pour le cas de Louis Hamelin, j’ai dévoré « La rage » voilà environ deux ans et rare sont les romans qui m’ont imprimé autant de souvenirs aussi précis, chez qui l’ambiance évoquée surpasse autant le vague de la réminiscence. Seul hic, et un lien avec le hoquet n’est pas trop forcé ici, le touffu de son style m’a parfois fait décrocher de la trame : c’est que je préfère me faire éblouir par un style disséminé comme des taches de lumière que de me faire aveugler! J’aurais eu tendance à acquiescer tout de go à la déclaration de Mistral si le qualificatif n’avait pas été aussi extrême, puisque le mitraillage de lumières d’Hamelin a été bien plus souvent aguichant qu’agaçant. Alors, devant la question de déposer une figure littéraire québécoise sur l’autel de ma préférence, j’aurais vraiment de la difficulté à en choisir une en particulier… et c’est un exercice qui ne me tente aucunement! Je dirais rapidement quelque chose aujourd’hui et aurais dit autre chose hier.
C’est que j’ai un parti pris aussi fort pour la prose simple, descriptive, qui va directement à l’évocation la plus commune. Je suis un grand admirateur encore aujourd’hui de la prose minimale d’un Paul Auster du début avec sa trilogie new-yorkaise. Cette prose quasi journalistique référait à des histoires étranges aux multiples sens, cette oeuvre qui rejoins beaucoup de considérations conceptuelles se retrouvant plutôt habituellement en art contemporain, a contrario d’une littérature centrée sur elle-même, sur l’idée de l’auteur qui se raconte son fantasme d’écriture déguisé en un personnage semi-fictif. Et je suis même capable, Ô sacrilège!, de porter aux nues le roman « Le vide » de Patrick Senécal pour avoir, par son réalisme quasi insoutenable, dressé une carte assez complète du négativisme de notre monde actuel. Oui oui!
Et ce oui oui est trop positif, j’abandonne. La catégorie « écrivain » est pleine de mollesse, on peut s’en servir pour fouetter n’importe qui. Encore mieux, s’autoflageller.
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