Le texte qui suit est une continuité et une élaboration explicative des idées lancées dans mon texte Questions libres sur le civisme des migrants, paru ici et sur UHEC. Je l’ai écrit dans le but très évident de faire comprendre mon point de vue à mes critiques, en particulier à mon grand ami Eric Bondo. Il m’a invité à un dialogue sur toutes les questions touchant à l’immigration et ce texte est en fait la première partie, de mon côté. J’espère qu’il y répondra et j’ai très hâte de lire sa réponse.
Racisme : Idéologie fondée sur la croyance qu’il existe certaines races supérieures qu’il faut préserver de tout croisement et qui sont destinées à dominer les autres.Xénophobie : Hostilité envers les étrangers, envers ce qui est étranger.
Depuis le début de l’aventure (où plutôt le chemin de croix) des accommodements (dé)raisonnables qui pointe en majorité des questions sur l’immigration, j’ai beaucoup réfléchi là-dessus, comme me la fait remarquer Omo-erectus en commentaire (#16) à la suite de mon texte, où je décrivais certaines situations fâcheuses vécues par ma compagne lors de ses déplacements en métro, en lien avec le manque de civisme de certains immigrants de fraîche date. C’est dans l’air du temps, qui pourrait me dire le contraire? Et avec ce texte que je vous propose ici, l’accusation s’améliorera d’un autre chef…
Alors oui, je suis coupable. Mais coupable de quoi au juste? De faire ressortir des questionnements et un malaise global que l’on a balayé et caché sous le tapis depuis belle lurette! Il serait donc temps de l’éventer parce que ça commence à puer, et très fort. (La métaphore de la puanteur est revenue souvent en commentaires après cet autre texte, je me permets alors d’en beurrer encore plus épais!)
Mais avant de commencer, mon texte commence avec deux définitions, passons-les en revue.
Premièrement, le racisme. Je serais bien surpris de savoir le pourcentage de la population québécoise qui est raciste alors que ce terme désigne un sentiment de supériorité qui se réfère en particulier à la différence physique, et à une sorte de « protectionnisme » génétique. Et c’est une absurdité si nous considérons que nous venons tous de la même souche humaine, africaine : il n’y a alors maintenant que des différences évolutives, culturelles et sociales pour nous différencier, rien de trop difficile à concilier objectivement, si on s’en donne la peine, puisque l’humain est un animal champion de l’adaptation.
Deuxièmement, la xénophobie. Je pense que je peux me permettre de la comparer avec les préjugés, que nous ressentons tous à un moment où à un autre de notre vie par rapport à certains aspects que l’on retrouve chez les autres. Il faut vivre avec, mais en tentant toujours de les remettre en examen à chaque fois qu’ils se présentent. Pour sa part, la xénophobie est juste plus frappante parce qu’elle se base généralement sur un regroupement plus large de signes physiques, culturels et souvent linguistiques, qui se retrouve bien mis en évidence dans une ressemblance que partage un groupe d’individu au regard d’un autre, ce qui revient à la dissemblance : le comble de la xénophobie serait donc l’agoraphobie…
En regard de ces définitions, j’en viens à me demander ce qu’on me reproche alors que ce sont évidemment les problématiques (le civisme et les comportements haineux) par rapport à un contexte (le débat sur les accommodements) qui ont fait ressortir le « sujet », et non le contraire. Je m’explique. Le chemin qu’empruntent le xénophobe et le raciste repose sur un système établi qui scrute les différences à l’externe et réagit ensuite en raffermissant son jugement par l’ajout de « preuves », en se complaisant dans l’immobilisme : qui vient alors élargir un peu plus sa carapace, au lieu de la faire se craqueler. Pour ma part, je m’ouvre à l’externe de la manière la plus objective possible et je constate simplement des problèmes que je ne peux que nommer par leurs noms, malheureusement. Pour cela, devant la somme des accusations, il y a vraisemblablement une grosse marge entre l’individu que je semble être pour certains et celui que je suis réellement, si on se base seulement sur le choix du « sujet » pour me juger, et non sur le pourquoi de l’analyse de ce « sujet ». Il est alors presque normal que le débat dérape en accusations de toutes sortes…
C’est bien triste qu’on en vienne obligatoirement à la suspicion et à l’accusation quand quiconque discute d’un sujet qui concerne de près ou de loin les minorités. C’est que le critique, par exemple moi, et le « sujet » de la critique ne sommes pas liés directement, dans un sens causal, au contexte où se retrouve l’autre (par exemple, que je suis un occidental « riche » et que l’autre personne vient d’un pays du tiers-monde — même si je sais qu’il y a des riches qui viennent de pays du tiers-monde : ce n’est justement qu’un exemple pour mettre l’accent sur des disparités qui, au premier regard, peuvent miner les discours de chacun). Ce qui me pousse à en discuter, c’est le désir d’une analyse d’égal à égal qui serait débarrassé des complexes ancestraux de la dynamique « dominant-dominée », axée sur le côté pratique de nos rapports humains.
Je le répète, il y a une différence entre les problèmes de civisme et de xénophobie venant des immigrants (et là il faut faire une distinction dans les moments où les gens sont arrivés ici), les minorités « visibles » (même s’ils sont nés ici et/ou éduquées seulement ou non ici) et ces mêmes problèmes du côté de la majorité blanche puisqu’ils ne pointent pas les mêmes cibles et ne trouvent pas leurs sources aux mêmes endroits.
Comme je l’écrivais à Martin Beaudin-Lecours (et je faisais référence à des exemples manifestes de non-civisme de certains blancs qu’il m’a exposés dans un commentaire pour contrebalancer mes exemples qui pointaient seulement des immigrants — et je suis tout à fait d’accord avec ses exemples, pour en avoir vu des semblables aussi) :
Les problèmes que tu relates dans ton commentaire sont un aspect du civisme et du social, qui est différent de celui des immigrants, même s’ils sont connexes. Si j’écrivais un texte dont le thème serait le manque de civisme général (avec les quelques exemples que tu as donnés), tu applaudirais bien fort! Pourquoi alors mon texte pue si je ne fais que parler de l’autre problème? Et si j’écris un texte sur le racisme des Québécois, ça ira, mais si je vise le racisme de certaines personnes qui font partie des communautés culturelles, là c’est pas bien.
À la base, si je n’ai pas de pouvoir sur les comportements fautifs des uns et des autres, je suis en droit de me poser des questions sur le pourquoi de ces comportements. Quand je vise l’immigrant de fraîche date qui n’a pas reçu, à mon avis, les bons outils des instances gouvernementales pour s’intégrer — et le manque de civisme n’en est qu’un exemple parmi tant d’autres —, est-ce qu’il faudrait absolument que je parle aussi du manque flagrant d’éducation citoyenne des blancs — dont le manque de civisme en est aussi un des résultats — pour me faire comprendre sans préjugé et sans émotivité sur le premier sujet (l’immigrant de fraîche date)? À la vue des critiques acerbes, il semble que oui, alors je vais essayer de continuer dans ce sens pour les désamorcer.
Alors, parlons des comportements haineux qu’a vécu ma copine et que je relatais dans mon texte. Je pourrais essayer de trouver des comportements semblables dans mon entourage, mais je ne fréquente pas de gens visiblement xénophobes, et surtout pas au point de démontrer ouvertement de la haine en public envers des gens différents d’eux. (Je fréquente beaucoup de gens de différentes ethnies alors, ça va de soi!) Et si par exemple j’ai affaire à quelqu’un qui raconte une blague « raciste », ça me met mal à l’aise et je ne me gêne pas pour le lui faire savoir. Alors, ce que j’essayais d’expliquer en dévoilant ces comportements haineux de la part d’immigrants, c’est que ces comportements sont inadmissibles puisqu’ils viennent détruire le travail de tolérance accompli depuis longtemps et qui semble porter fruit, quand même, malgré les critiques que je peux en faire. Quand j’ai écrit par rapport à ma copine qu’« elle m’a dit qu’elle craignait d’être maintenant raciste parce qu’elle réagissait très fortement à tout ça et que ça la mettait en rage », je pensais justement à ce travail précieux sur l’éducation à la tolérance et au fait que je m’entends parfaitement avec plein de gens de différentes origines. Si ma copine en vient à se poser des questions sur sa propre xénophobie alors qu’elle est une personne très tolérante à la base, je me demande bien comment réagissent les gens qui sont moins tolérants qu’elle : voilà le grand danger. Et c’est ce danger-là que je voudrais que l’on écarte le plus possible, pas les immigrants, bon sang!
Alors si maintenant, en général, on laisse de moins en moins passer l’intolérance des blancs, il faudrait être conséquent pour les autres aussi. Sinon, ça revient à dire par exemple que je devrais accepter qu’un individu de race noire me manque de respect gratuitement parce qu’il y a sûrement un de mes ancêtres qui a mis en esclavage un ou des noirs, possiblement un ou plusieurs de ses ancêtres. Si je suis personnellement et hypothétiquement coupable de tous les tords de l’humanité blanche colonialiste, je n’ai même pas besoin d’un bâillon, votre lecture biaisée et les critiques qui en découlent en font office…
Comme je l’ai écrit dans le même commentaire à Martin :
J’essaye de profiter du contexte de la commission pour crever l’abcès. Mon but est positif. Nous sommes tous victimes, autant les immigrants que les natifs, de politiques d’immigrations basées seulement sur l’urgence économique, qui ressemble plus à une improvisation sous le thème de la panique. De bons gestionnaires auraient prévu la crise sur les AR et agi en conséquence…
J’ai écrit mon autre texte et celui-ci avec la peur au ventre. Si nous laissons aller les choses, le découragement devant les difficultés de cohabitation viendra faire augmenter la xénophobie, et peut-être même le racisme, des deux côtés. C’est l’accumulation des points de litiges en société et des liens les plus visibles et les plus faciles à créer que nous avons tendance à garder en mémoire, malheureusement, et il ne faut jamais l’oublier. Il faut aussi tenir compte du fait que l’humain n’est pas parfait et que c’est toujours par l’éducation que passera une plus grande harmonie entre nous tous.
Peut-être que mon texte était maladroit, mais son but premier était de mettre en relation les dangers de la xénophobie, d’un côté comme de l’autre, pour justifier l’idée de proposer des actions politiques concertées au niveau d’une éducation citoyenne plus complète, et qui par ricochet inclurait une meilleure préparation à la culture, aux valeurs communes et aux moeurs québécoises pour les nouveaux arrivants, pour nous mettre un peu plus sur la même longueur d’onde. Je suis vraiment tombé des nues en voyant les réactions de certains, et cela prouve que j’ai été naïf d’exposer mon raisonnement crûment en pensant que mon ton modéré expliquerait par lui-même le fait que je suis très tolérant, donc pas xénophobe, et surtout pas raciste. Mais il a quand même fallu que je réitère cette position ici pour espérer masquer l’odeur, en espérant réellement que ça fonctionne… Alors que je l’écris, je n’en ai aucune certitude, voilà mon drame.
Pour conclure, je ne veux pas être trop pessimiste, mais si nous n’affrontons pas de front toutes les problématiques que soulèvent l’immigration, et pas seulement celles concernant les accommodements, les chances de nous retrouver avec des problèmes semblables à la France et ses banlieues (même si ça serait de vraiment très loin, puisque le contexte est très différent) grossiront exponentiellement, j’en ai bien peur. Il faut regarder autour de nous et nous en influencer pour arriver à ne pas faire les mêmes erreurs.
Le monde est déjà séparé en frontières géographiques, en différences culturelles, en murs qui tendent à se rétrécir par l’ouverture sur le monde qu’apportent les communications et le transport, il faudrait bien alors que la proximité géographique que nous offre un Québec de plus en plus pluraliste participe encore plus à cette ouverture et à cet échange, qui ne devrait qu’être positif, dans le meilleur des mondes.
Commentaires récents