J’ai parlé souvent ici de la décroissance. Sans être un disciple strict du mouvement qui se nomme décroissance conviviale, cette idée m’intéresse premièrement car elle nous pousse à repenser notre rapport à l’économie, cette notion historiquement utilitaire qui s’inscrit de plus en plus dans la culture, dans son sens le plus large. Et c’est d’une tristesse : la culture — ce que les rapports humains suscitent comme matière à communication, à réflexion, à contemplation — est prise en sandwich entre la religion, cette culture dont le marketing repose sur la Foi et la peur du Jugement Dernier, et l’éconocentrisme culturellement agressif, dont la mise en marché s’appuie sur le confort matériel, et un message fort qui tourne autour de la peur de le perdre.
Ce qui me charme encore plus, c’est qu’obligatoirement cela nous pousse à une métamorphose, un changement de nos valeurs, voire même à réapprendre le sens des valeurs, au-delà de sa synonymie monétaire. Oui, dans un sens, le statu quo est une bonne chose, il offre une certaine stabilité, la croissance est une tradition, mais est-ce que le progrès ne serait qu’une voie, ou même plusieurs en parallèle à cette répétition, cette redite du plus de productivité pour plus de consommation?
Ça me fait penser à tout le tollé, qui s’accompagne aussi de critiques dithyrambiques, du dernier film de Walt Disney-Pixar, Wall-E, tel que rapporté par Joseph Siroka sur Cyberpresse. La drouate et les gros sont fâchés du mauvais traitement que leur faire subir le scénario futuriste du film, où l’épidémie d’obésité qui fait rage aujourd’hui (surtout au É-U) est à son apogée et où on pointe comme fautif le système actuel basé sur la croissance, la surconsommation, etc.
Comme je l’écrivais à l’instant à la suite d’un billet sur cette question à mon collègue du blogue Le Satellite Voyageur, « Le gros (hé hé!) problème là-dedans, c’est l’espèce de tabou qui est en train de se constituer, tabou de nommer l’obésité [et celle morbide] comme une maladie, ce qui fera en sorte de la normaliser. Mais qui a le plus à gagner à laisser les gens grossir impunément?
C’est toute une économie qui gravite autour de la croissance en gras… »
La logique autour de la croissance à tout prix ne peut que tomber dans la démesure adipeuse, qui au niveau psychologique est payante pour tout un pan de l’industrie, ceux qui profitent du sentiment de culpabilité comme l’industrie des diètes et de tous les Ab King Pro Roller Extreme Rower Roche Dur de ce monde. Et au niveau physique, il n’y a pas trop besoin de s’étendre sur les domaines de la santé (que l’on espère de plus en plus privé, et le « on » exclu bien sûr la personne qui parle…) et de l’agro-alimentaire qui profiteront des retombées de toute cette culture du gras.
Avant de clore, je ne peux pas passer sous silence le billet tout en sophisme qui m’a servi de tremplin. Sous des airs de vérité, puisqu’il y a des faits en jeux que je me garderai bien de contredire directement, l’antacomique blogueur de drouate s’appuie trop aisément sur le progrès du niveau de vie des états-uniens pour planter la décroissance. Là où le bât blesse, c’est qu’il utilise ces chiffres comme un marionnettiste sous le thème de la linéarité économétrique, tandis qu’il est toujours possible de penser la croissance autrement, non? Est-ce que l’espérance de vie d’aujourd’hui diminuerait dans le futur pour cause d’une révolution éthique qui ferait en sorte d’éliminer le superflu et la démesure de notre consommation? J’en doute fortement. Même que si on continue sur cette lancée et qu’on repense au problème d’obésité qui accompagne le style de vie casanier à l’occidentale, actuellement, l’espérance de vie ne pourra qu’augmenter qu’avec les béquilles de la science. C’est dans la logique, mais est-ce que c’est ça qu’on veut?
Il faut savoir mettre les pour et les contre dans la balance, revenir en arrière et poser la question de la croissance pour se rendre compte de sa nécessité décroissante. En 1870, le progrès et la croissance étaient nécessaires, et plus près du rêve que de la réalité, tandis qu’aujourd’hui, avec tous ces gains, amplement suffisants, c’est une réalité qui tourne au cauchemar global pour qui est capable de regarder au-delà de son propre confort et de celui de ses copains… Mais la grande question : où s’arrête le confort sain et où commence l’exagération? Le dogme de la croissance économique est tombé dans la démesure, le laisser-aller, la décroissance ferait office de douche froide.
La décroissance n’est pas un suicide social, le total antonyme de la croissance. C’est l’ajout d’une autre dimension.
Renart, ce n’est même pas que je suis paresseuse aujourd’hui, je ne sais juste pas quoi ajouter à ton billet qui n’ait déjà été dit.
Pourtant, je fais partie des statistiques d’obésité 😛
Je travaille à en sortir, tu peux en être sûr…
Wow ! Très intéressant point de vue. Effectivement, c’est probablement ce que voulaient faire passer comme message les artisans du dernier né de Pixar… mais bon, ça tombe souvent dans l’oreille d’un sourd.
Très intéressant, ton texte.
Cependant :), il faut songer à tout ce qui serait foncièrement affecté par l’ajout de la dimension « décroissance » à notre culture.
Notamment dans l’arène politique. J’aimerais bien voir les résultats d’un vote populaire pour un candidat qui prône moins d’activités économiques, moins d’achats, moins d’entreprises, moins de jobs (…). Faut pas oublier que ces gens-là jouent leur futur sur leur capacité à faire croire au peuple qu’il sont les meilleurs pour assurer une certaine prospérité sous leur gouverne.
Ce qui amène un autre élément de discorde envers une telle idée, et tout un en plus : la nature humaine elle-même! Regarde aussi loin que tu puisses dans l’histoire de l’humanité et tu ne trouveras pas de cultures qui renient une amélioration de la qualité de vie (en ces temps passés, c’étaient encore plus des questions de survie), même si cela engendre un certain mal (à l’environnement, à autrui, etc.). Prôner la décroissance, c’est aller à l’encontre de la nature humaine, qui recherche constamment des façons moins coûteuses, en énergies et en ressources, et moins dangereuses de survivre.
Bon, je parle un peu au travers de mon chapeau car je ne connais pas moi-même tous les peuples qui ont foulé le sol de notre boule. Mais quand-même… j’metterais mes 2 mains dans l’feu qu’il n’y en a pas.
Avec ces deux dossiers pas faciles à régler, il faut en ajouter d’autres car la consommation n’affecte pas que cela!
Je suis sensible aussi à l’idée d’arrêter de consommer en sauvage (quel lapsus, alors qu’eux étaient réellement plus sereins dans leurs relations avec la consommation que n’importe lequel d’entre-nous).
Mais, je crois que c’est le genre de changement qui tient de la révolution. Faudra d’après moi frapper très, très bas le fond du baril pour que cela s’impose comme une orientation souhaitée.
Ouin, tout ce tollé m’adipeux grand chose… Ok, je sors —> 😉
Noisette,
je le répète. lâches-pas! 😉
Mais c’est la faute à Wall-E si j’ai parlé d’obésité!
Alex,
ouin, un sourd, des sourds!
Et la plupart de ceux-là se réfèrent au foutu discours sur le réchauffement climatique qui les a échaudés… Réactionnaires en plus d’être sourds! Et la pollution multiple, qu’est-ce qu’on en fait?
François,
c’est certain qu’il n’y a rien d’évident!
Mais pour ce qui est de la nature humaine, je crois qu’à la base elle est seulement de survivre, ce qui est la recherche d’un certain confort. Ce qui se trouve au-delà de la survie est culturel et la recherche du plaisir peut se faire ailleurs que dans l’achat compulsif, on le sait.
À la base, si on regarde la qualité de vie, il est presque absurde d’en vouloir plus, au point où nous en sommes. C’est là où il serait bon de se donner un autre défi, grandement éthique.
Patrick Dion,
😉
Pas grand chose à ajouter de pertinent… juste une anecdote. Sur mon blogue un jour on est venu me demander de pas utiliser le mot « obèse », que je devrais dire surplus pondéral.
J’ai été dérangée par ça. On peut tu appeler un chat un chat? Surtout que le contexte dans lequel c’était dit, c’était pas méchant du tout et ça ne visait personne en particulier. Je continue de dire obèse quand c’est pertinent au contexte.
Oh j’en ai profité pour lire le manifeste sur la décroissance conviviale. 🙂
Excellent billet Maître Renart… Nous sommes « brainwashés ». Brainwashés solide 😎
Surprenant billet, de la part de quelqu’un si près de sa panse. tsk tsk tsk.
Petit extrait d’un livre que je suis en train de lire :
« Les biologistes de la population considèrent la prolifération comme un signe précurseur d’extinction. Certaines espèces s’éteignent lentement, tandis que d’autres commencent par une explosion démographique, consomment toutes leurs ressources, développent des armes biologiques et s’effondrent pour se retrouver à un niveau inférieur à celui précédant l’explosion. »
Dans notre cas, non seulement nous avons explosé démographiquement, mais aussi physiquement. L’insécurité est un sentiment que l’on croit (probablement un vestige de notre existence simiesque)pouvoir règler en consommant, comme dirait Angèle Arsenault dans la toune. Et tout est fait en sorte que le plus de gens vivent dans l’insécurité le plus souvent possible.Je vois pas comment on pourrait décroître dans ces conditions.
Pourtant, je crois qu’on tire à notre fin. Je crois même que nos chers élus ont tout mis en place pour que la décroissance se fasse à notre insu.
Qu’on les affame ou qu’on les fasse exploser ou mourir malade d’avoir trop mangé, la réduction démographique est en train de se faire elle-même.
Certains vont plus loin en disant qu’il existe une intention chez nos gouvernants de réduire la population à 500 millions d’habitants d’ici quelques années.
Cherchez « Codex alimentarius » ou « agenda 21 »; des heures de plaisir.
N’oubliez pas que la crise alimentaire mondiale menace déjà la moitié de l’humanité. Tout ça pour nourrir des chars et sauver la planète.
Lafelee,
ouh! la la…
Ah! le politiquement correct, cette plaie!
Comme si on devait appeler la neige : gouttelette d’eau gelée…
Lutopium,
Marci!
Eric Bondo,
tu devrais franchement t’abstenir de débuter de la sorte…
« Goutelette d’eau gelée »
HA HA HA
Je la trouve excellente!
Que je ne te vois plus employer le mot « neige » à l’avenir 😛
Un regard anarcho-mutualiste sur cette question:
http://mutualist.blogspot.com/2008/07/talking-to-brick-wall-on-wall-e.html
Très bon post!
À mon avis, notre système actuel est malade, mais l’humain l’est encore plus. Nous somment extrêmement têtue et pour comprendre, nous devons absolument nous planter. C’est ce qui s’en vient d’ailleurs…
C’est extrêmement triste de penser qu’en l’espace de 100 ans nous avons massacré notre planète et mis en danger (ou carrément rayé de la carte) plusieurs espèces d’animaux. Tous ça pour quoi finalement?
Sans être alarmiste ou pessimiste, je crois que nous vivons en ce moment le début de la fin.
Anarcho,
« anarcho-mutualisme »
coudon, il y a combien de déclinaisons dans la philosophie anarchiste?
Redge,
c’est pessimiste, mais en même temps très réaliste. Je ne crois pas que ce soit la fin du monde, mais enfin le début de la fin de celui que nous connaissons.
Je crois cher Renart que l’anarchisme comporte un nombre incalculable de courants. Qui se souvient de l’anarcho-mitterandisme de Renaud?
Renart: Je crois que nous sommes à l’aube d’un changement de paradigme et j’ai bien hâte de voir où cela va nous mener!
On se le souhaites!