Je me devais de revenir sur un billet, et surtout une discussion, que j’ai eu voilà quelques semaines avec mon ami L’équilibriste.
Cette discussion a eu comme point de départ le sujet d’un de mes billets « Rivière-Ouin… », paru chez Branchez-vous!, où je dressais un parallèle entre la mort violente de Nancy Michaud, attachée politique du ministre Claude Béchard, et notre vision judéo-chrétienne de la Justice, que j’ai illustrée par une citation de Michel Onfray :
Qui accepterait d’un hôpital qu’il enferme un homme ou une femme à qui l’on découvrirait une tumeur au cerveau – pas plus choisie qu’un tropisme pédophilique – dans une cellule, l’exposant à la violence répressive de quelques compagnons de chambre […] avant de l’abandonner, un quart de son existence, au travail du cancer, sans soin, sans souci, sans thérapie ? Qui ? Réponse : tous ceux qui activent la machine judiciaire et la font fonctionner comme une mécanique trouvée aux portes du Jardin d’Eden sans se demander ce qu’elle est, pourquoi elle se trouve là, de quelle manière elle fonctionne…
[…] Cette collusion entre libre arbitre et préférence volontaire du Mal au Bien qui légitime la responsabilité, donc la culpabilité, donc la punition, suppose le fonctionnement d’une pensée magique ignorant ce que la démarche post-chrétienne de Freud éclaire avec la psychanalyse et d’autres philosophes qui mettent en évidence la puissance des déterminismes inconscients, psychologiques, culturels, sociaux, familiaux, éthologiques, etc.
Donc, ce qu’il en ressort, c’est que la société fonctionne en addition d’individualités — que le concept du libre arbitre vient justifier. La difficulté, c’est que les éléments moralement problématiques sont considérés comme des parias tandis qu’ils devraient seulement donner le signal qu’il y a des problèmes avec la société dans son entièreté, comme l’augmentation des cas de cancers devrait donner le signal qu’il y a un problème exponentiel des pollutions. Cela nous donne une société en constante réparation, a contrario d’une société en prévention.
Ce à quoi mon ami m’a convié, en sortant et me montrant un bouquin sur la culture Kongo, qui se transmet par des proverbes, m’a complètement bouleversé, puisque cela venait confirmer que cette philosophie trouvait sa possibilité et sa source aux confins de l’humanité, étant donné que l’Afrique est notre berceau, nonobstant l’avis du crétinisant créationnisme. Je vais donc tenter de synthétiser cette pensée, au niveau du rapport entre la société et l’individu, de la manière la plus concise possible : un crime est comme un bouton sur le nez de la communauté, le symptôme d’un problème qui trouve sa source ailleurs; il faut alors tout faire afin de le retracer et de le régler, pour ne pas qu’il se répète. Le proverbe Kongo suivant est un bon exemple :
Le poison dans la communauté est le symptôme de sa perte.
(Pour d’autres exemples de proverbes, le billet d’Eric Bondo en est truffé.)
Est-ce que nous sommes proches d’une philosophie de société de la sorte? Non, pas vraiment, et c’est ce qui me peine le plus. Ce qui nous meut aujourd’hui est de ramasser assez d’argent pour parer aux contrecoups de la vie, cette vie où tout est mis en place pour nous détrousser de cet argent durement gagné, ce qui, cette dureté, occasionne aussi des contrecoups…
De contrecoup en contrecoup, ça vibre, ça fait trembler, ça rend nerveux, etc.
(Photo : Antony & cie)
Très bon billet mon ami. J’ai bien hâte de voir les réactions. Car souvent, plutôt que d’accepter toute forme de responsabilisation, les gens sombrent dans le déni ou l’invocation de l’impuissance.
Juste pour faire un autre parallèle avec l’affaire Nancy Michaud: Chez les Kongo, on ne dit pas « commettre un crime » mais bien « porter un crime », pour dire que le criminel n’est que le médium des problèmes sociaux et non un acteur isolé, son crime n’étant que l’expression du mal social.
Mais bon, on a ici changé la signification de « responsabilité ». Ce mot veut souvent plus dire « payer ses bills » et « rembourser ses dettes » que « capacité à répondre de ses actes ».
La communauté n’existe plus trop trop, sauf quand il s’agit (pour les leaders) de réagir à un mot de travers ou une ethnie à la face qui ne nous revient pas.
Étrangement, dans le cas qui nous concerne, le poison et la possible extinction de notre civilisation peuvent être pris au sens propre: Nous fabriquons nous-même les poisons qui nous tuent à petit feu.
Comme quoi certains proverbes n’ont ni âge, ni couleur.
Je suis bien d’accord avec vous deux et je trouve désolant que notre société en soit arrivée à fonctionner en mode « action/réaction ». Dans cette ère d’hyperindividualisme, il n’y a de sens communautaire que lorsque certains acquis sont menacés, ou encore que des valeurs « communes » à tous les individus sont mises en cause.
Il est temps que l’on revienne à une plus grande solidarité sociale, et que les gens prennent, enfin, leurs responsabilités, et qu’enfin, ce mot reprenne la signification si bien définie par M. Bondo.
En attendant, il faut continuer de dénoncer les réflexes primaires de la société, qui régresse parfois au stade animal en réagissant instinctivement à un stimuli extérieur. Heureusement, il existe des blogs comme le votre, Renart, et celui de l’Équilibriste, qui nous fournissent une lueur d’espoir!
Je ne sais pas quoi dire…
Mais c’est un élément de plus à ma réflexion!
Eric,
en regard de cette vision autre de la société, j’ai l’impression que le sens de la responsabilité prend un tout autre sens, qui va au-delà de la capacité à répondre de ses actes, étant donné « la puissance des déterminismes inconscients, psychologiques, culturels, sociaux, familiaux, éthologiques, etc. »
Donc, la responsabilité devrait seulement appartenir à toute la communauté, réagissant de concert aux cas problématiques. Répondre de ses actes se vit dans le système de Justice.
Blogue l’Éponge,
« Dans cette ère d’hyperindividualisme, il n’y a de sens communautaire que lorsque certains acquis sont menacés, ou encore que des valeurs « communes » à tous les individus sont mises en cause. »
Exact!
Le sens de la communauté demande un minimum de désintéressement, et nous en somme loin.
Noisette,
😉
Renart, les mots ne changent pas de sens selon les modes.
C’était un peu court.
Responsable : de « response able », capable de répondre.
La définition de responsabilité, c’est celle de prendre acte de ce qu’on fait au point de pouvoir en répondre. Elle peut être collective ou individuelle.
Dans le cas qui nous concerne, en effet, cela relève de la responsabilité collective.
La société a été, comme d’habitude, incapable de répondre de l’acte commis par le meurtrier de Nancy Michaud. Celui-ci (s’il est bel et bien le meurtrier), a été poussé tout seul dans la cage.
Chez les Kongo, le tribunal convoque la communauté dans son entièreté, même si le village comporte 2000 habitants. Car le crime d’un seul d’entre eux entache la communauté tout entière.
On dit même qu’une communauté où un individu en empoisonnerait un autre ne pourrait entretenir de liens sociaux ou commerciaux avec une autre communauté, tant et aussi longtemps que la question de l’utilisation du poison par cette communauté ne serait pas circonscrite, et que des mesures empêchant ses membres d’utiliser le dit poison dans un but procrit soient prises.
Dans le cas de Rivière Ouelle, cette communauté aurait été mise au ban pour la négligence dont elle fait preuve envers ses membres souffrant de maladie mentale. On ne pourrait tolèrer comme excuse : « tout le monde savait qu’il y avait quelque chose de louche, mais on aurait jamais pensé que… »
Mais on est bien loin de ça.
Eric,
eh! oui, je visais la responsabilité de la communauté, pas un nouveau sens…
Ahhhh.
Hehe.
En tout cas, une chance qu’on a abordé le sujet de la culture Kongo avant que je ne me lance dans mon attaque contre les leaders de la communauté noire. Je viens de voir que ma montée de lait s’est retrouvée sur Vigile.net avec ma photo, et que je reçois des commentaires de Québécois soulagés d’entendre un autre son de cloche. Je crois bien que ceux que je vise vont se retrouver avec mon billet sur leur bureau…
Bon timing mon ami, maudit bon timing. Je vais avoir besoin d’autres proverbes, je crois.
Quelle belle façon de commencer sa trente sixième année.
…..avant de l’abandonner, un quart de son existence, au travail du cancer, sans soin, sans souci, sans thérapie …..
Étant donné les piètres résultats connus des soignés du cancer et autres « maladies » ou il est prouvé que le soins rend encore plus malade, je pense que d’être moins soigné, moins thérapeutisé, serait peut-être un bien, qui sait ?
« C’est pas parce qu’on soigne qu’on guérit »
Eric,
« je reçois des commentaires de Québécois »
Québécois????? Mais t’es Québécois mon ameh!!!! 😉
Clusiau,
faudrait plutôt faire cesser la pollution et le stress, ce beau cocktail qui semble provoquer les cancers, non?
J’aurais pu dire « de souche », mais je suis aussi de souche. Ça ne me tentait juste pas de dire « de non noirs ».
Mais bon, tout n’est pas blanc ou noir, heuh heuh heuh, rha rha rha!
Et j’attends toujours le pot (prononcer pô, pas « pott » ) des gens de couleur, après les fleurs des autres.
De pied ferme, même.