
Ça fait assez longtemps que je n’ai pas bossé sur la série L’accord tacite (voir lien plus bas) et j’y reviens, car je trouve intéressant de décrocher un peu de la réflexion sur les sujets d’actualité (quoiqu’il y a toujours moyen de relier ces points avec l’actualité…). Et si je veux aller jusqu’au bout (il y a 33 points et j’en ai fait seulement 8 à date), il fallait bien que je m’y mette un jour ou l’autre. Alors voilà!
(Pour plus d’information quant au sujet de cette publication, consultez L’accord tacite #1.)
9) J’accepte que l’on condamne le meurtre de son prochain, sauf si les états décrètent qu’il s’agit d’un ennemi et nous encouragent à le tuer,
A priori, ce point fait bien sûr référence au militarisme, mais j’aimerais entre autres le clarifier au niveau de la moralité, de notre moralité héritée du judéo-christianisme.
La première partie fait amplement référence au « Tu ne tueras point », commandement très logique qui est imprégné en nous maintenant et qui n’a plus trop besoin d’être expliqué. Nul besoin non plus d’évoquer la colère de Dieu, il n’est besoin que de la Justice étatique pour calmer les ardeurs colériques de la majorité. Pour les autres, que ce soit des tueurs à gages ou des entreprises pharmaceutiques, il ne suffit que de jongler avec les probabilités de se faire prendre versus les profits à engranger.
Alors, la question de savoir si oui ou si non le meurtre direct ou indirect est immoral dépend de facteurs que tout un chacun ne peut pas toujours saisir, étant donné l’impossibilité de la transmigration de la conscience d’une tête à l’autre, et surtout de l’historique. Il ne reste que le rapport entre chacun et la peur de la Justice (extension de l’État; extension pour certains du pouvoir de Dieu — consciemment ou inconsciemment) pour guider les pas des hommes croyant être libres, avec la force illusoire du libre arbitre. Dans ce contexte, l’éthique semble déjà être dans une sphère conceptuelle à part.
D’où mon questionnement du contrat entre l’État et les militaires, qui abandonnent l’éthique dans son sens le plus philosophique (mais pas la moralité puisqu’elle est grandement assujettie à la dynamique arbitraire des complexes d’infériorité et de supériorité : quand la grandeur héroïque est garante de la craintive et humaine petitesse de l’obéissance). Qu’est-ce qu’il reste de l’humanité dans quelqu’un qui réserve sa pensée à la banalité du quotidien et à sa sensiblerie (les traumatismes psychiques ne sont pas causés par le combat moral, mais bien par un processus tout à fait physique et mental, pour ne pas dire biomécanique) alors que par ses actes il élimine la vie, devient en quelque sorte la main de Dieu?
Ce point représente donc pour moi un imbroglio encore plus néfaste que le débat pour ou contre la mission en Afghanistan, il faut le voir, et le plus clairement possible. Nous sommes loin de l’organisation d’un regroupement d’hommes qui se défend contre les éléments extérieurs, quels qu’ils soient. Mais qui pourraient se dresser contre cette légitime défense? Aujourd’hui, au contraire, un soldat décide de ne pas se poser de questions pour ne pas avoir à s’en poser plus à sa jeune retraite : c’est l’individualisme au service de l’intérêt collectif qui s’est désincarné par la complexification et la multiplication des pouvoirs. En comparaison, vendre son âme au diable semble plus éthique…
Mais tant que le bonbon de décrocher de la réalité en s’engageant dans une aventure organisée brillera plus que l’intégrité, il y aura toujours quelques dieux pour ne pas se salir les mains et faire passer des meurtres pour de l’amélioration.
Tiens, en passant, nos voisins du sud, grands pacifiques, ont dépensées 1600 milliards dans l’armement, seulement en 2007.
(Ce billet est fortement influencé par ma lecture du moment : Traité d’athéologie, de Michel Onfray.)
(Photo : Christopher Malcolm)
Et ça continue pour le point 10 ici!
« Tu ne tueras point. » Cette loi divine, dit Savater, aurait pu s’écrire « Tu ne tueras point, mais sans trop exagérer », car au nom de Dieu, justement, combien de croyants ont été occis ? On a oublié que les péchés mortels l’étaient littéralement : si vous désobéissiez aux commandements, vous étiez lapidé à mort. En réalité, il était interdit d’assassiner les gens de sa tribu, mais on acceptait le meurtre s’il s’agissait d’étrangers.
http://www.lactualite.com/culture/article.jsp?content=20070531_152858_3636&PAGE=2
J’ai déjà des poils sur les bras d’avoir lu les 9 points, je suis quelque peu découragée de savoir qu’il en reste 24… Il y a de ces lois non écrites qu’on voit tout autour de nous et qu’on peine à s’avouer… On a encore du chemin à faire! 😦
Où puis-je trouver de la documentation sur ces points en question??
Merci, au plaisir pour la suite! 🙂
C’est quel point qui explique comment une société (la société américaine) peut accepter que 1600 milliards de leurs impôts servent à la guerre?
Charity Bernhard,
justement, deux poids, deux mesures!
Mandoline,
pour ce qui est de la documentation, je ne l’ai pas indiqué justement pour garder un peu de mystère… Mais c’est quand même facile à trouver si on se donne la peine… Un indice : l’accord tacite!
C’est seulement une liste sans rien d’autre, et je tente de l’habiller.
Gaétan,
eh! bien, c’est pas mal tout le billet! J’essaye de montrer que notre vie est menée en grande partie par l’autoritarisme, et les États-Uniens ne sont absolument pas en reste…
1600 milliards dans l’armement n’est pas la démonstration de la volonté du peuple, qui aurait eu toutes les données et les faits pour pouvoir juger en toute connaissance de cause.
« J’accepte que l’on condamne le meurtre de son prochain, sauf si les états décrètent qu’il s’agit d’un ennemi et nous encouragent à le tuer… »
lol… On dit aussi: « Quand les méchants commettent le meurtre, ce sont des terroristes, mais quand ce sont les gentils (nous)qui faisons le massacre, c’est de l’autodéfense ou de la prévention » pas vrai? C’est la BASE de l’impérialisme. Le droit de tuer au nom d’une « civilisation » qui n’est même pas civilisée elle même!
Ça me choque.
Mía
Eh! oooooui! Le jargon propagandiste!
Pas besoin de grandes philosophies, à mon avis. Il faut seulement se mettre à la place des familles qui vivent dans la peur et qui souffrent très très longtemps d’avoir vu un des leurs se faire massacrer. Quand on essaie de s’imaginer assez longtemps que ça nous est arrivé, on comprend mieux les ravages que ça fait.