Le dernier texte de Christian Vanasse, « C’est donc’ben vrai qu’on est donc’ben accommodants », sur le site Branchez-vous, vaut le détour, même s’il semble avoir été écrit à la va-vite, d’un seul trait. Ça lui donne quand même un certain charme à ce texte, comme si l’auteur avait voulu s’en débarrasser au plus vite parce que ça lui brûlait le coeur.
Il nous parle d’une expérience qu’il a vécue avec les Forces armées canadiennes alors qu’il se retrouve à une cérémonie de baptême sur une base militaire. Une histoire de valeurs guerrières, de religion, et surtout, celle d’une dame complètement apolitique (elle ne savait même pas qui est le premier ministre du Canada…). Tout au long, il explique son mutisme devant toutes les situations et son questionnement par rapport à cette dernière (la dame) :
Elle qui parle la bouche pleine. Moi, une miette de machin qui tombe de ma yeule ouverte et qui me répète de justement me la farmer. De ne pas demander pourquoi elle Support our troops si elle ne sait même pas qui les envoie. Ce que son fils fout dans l’armée? Ce que l’armée fait là-bas? Pourquoi? Pour qui?
Ça m’a fait penser à souvent, quand je ne dis mot, mais n’en pense pas moins… Il pose donc une grande question : est-ce que de ne pas réagir est une forme d’accommodement?
En réaction à ce questionnement, j’ai pondu une petite formule :
Si personne ne te dit que tu es stupide, tu vas continuer de penser que tu es intelligent. Si quelqu’un te le dit, tu vas au moins te poser des questions. Et quand tu te poses des questions, tu deviens de toute façon un peu plus intelligent.
Alors, j’en arrive à la conclusion que l’évolution humaine tient dans le choc des idées et la critique. Ça n’a bien sûr rien de révolutionnaire, mais ça fait du bien de le répéter. Surtout dans ce royaume québécois de la complaisance (je pense bien sûr beaucoup à la culture ici).
C’est que nous avons au Québec cette mauvaise habitude de fuir le débat, surtout dans la réalité physique, puisque justement la toile nous sert de filet, même si je crois que c’est une bonne chose. Les mots peuvent être tranchant et brûlant à l’écran, mais pas autant que la peur d’en venir aux poings et même, pour les plus frileux, simplement aux yeux…
(Image : alexandreseron)
Réagir ou ne pas réagir? Telle est la question du jour. Je préfère maintenant essayer de ne pas réagir, ou plutôt de ne pas entrer dans la confrontation. Peut-on prétendre à la stupidité, celle des autres ou la sienne, alors qu’il n’y a qu’une certitude, celle que nous ne soyions jamais sûrs de rien? Et donc que nous sommes tous à la fois stupides et brilants, chacun selon son point de vue? Puis-je prétendre à la stupidité de la mère laissant s’enrôler son fils dans l’armée? Je vois ça comme un cadeau à la société : « Mon fils a envie d’une job où il aura à tuer des gens parce que c’est ce qui le branche? Je le laisse partir et peut-être que la sélection naturelle fera le travail. »
Je vous partage ici un extrait du livre de Jean Jacques Dubois : Psychologie et chamanisme au 21è siècle.
« Le péché originel d’Adam, c’est le schisme entre le conscient et l’inconscient, schisme qui instaure dans l’histoire du genre Homo la primauté de la raison, de la connaissance sur l’instinct, la passion, l’intuition, l’émotion, schisme qui instaure donc par le fait même le refoulement de la souffrence inhérente au refoulement de tout ce qui peut compromettre la raison, raison essentielle à notre adaptation. Le conscient rationnel s’oppose et combat sans trêve l’irrationnel en le refoulant dans l’inconscient, en essayant de l’oublier pour toujours.
…
Un autre apocalypse se profile maintenant à l’horizon du troisième millénaire. L’homo sapiens survivra-t-il? Non. Pourquoi? parce que c’est un animal raisonnable, un être de raison, et que seul l’être de passion, l’animal « passionnable », l’homo passiens, survivra, s’adaptera aux transformations environnementales (socio-écologiques) déjà en cours. Et la passion en question n’est pas n’importe quelle passion. Il s’agit de la passion des passions : l’amour. Seules les personnes capables d’aimer et d’être aimées sauront créer les solidarités salutaires, adaptatives… Les autres périront en s’entre-égorgeant. C,est non plus la connaissance, mais l’amour qui sera désormais le vecteur adaptatif. On ne survivra qu’en s’entraidant, qu’en partageant, qu’en donnant et se donnant, qu’en s’aimant passionnément. »
Fin de la citation.
Tout débat, bien que souvent assaisonné d’émotion, se rapporte à tenter de faire une démonstration par la raison. Chacun émet un jugement face au raisonnement de l’autre. Ce qui explique possiblement l’intensification des polarités partout sur la planète. Entre nous et nous, entre nous et eux, entre eux et eux.
Le Québécois est peut-être plus évolué de par son refus de débattre sur le terrain de la raison, stagnant, pour plutôt s’occuper d’aimer ses proches et ses plates-bandes. Il préfère peut-être se demander : Comment je me sens devant cette situation, et qu’est-ce que je peux faire avec (s’il y a quelque chose à faire)? Sans pousser plus loin, sans faire de la grande réthorique intello. Car même si on est au 21è siècle, ici, nous devons encore combattre le climat dans ses extrêmes au quotidien. Peut-être sommes-nous un peuple d’adaptatifs et non de grands intellectuels « raisonnables ».
C’est peut-être ce qui nous sauvera lorsque les « raisonnables » trouveront une autre raison de s’entre-égorger. Surtout quand on apprend que George W. a passé 8 jours au proche orient soi-disant en mission de paix, mais que 6 des huits jours se sont soldés par la vente massive d’armes et équipements militaires aux pays alliés des États Unis.
Le débat et la critique n’ont rien de révolutionnaire. Ils ont eu leur importance à une certaine époque révolue. Aujourd’hui, c’est d’une grande révolution (à tous les niveaux)dont l’Homo a besoin pour survivre. Peut-on rêver d’une nouvelle façon d’optimiser l’apport de tous les points de vue de tous? À quand un nouveau paradigme de synergie sociale?
je ne sais pas si l’on fuit le débat par peur ou tout simplement parce que l’esprit critique s’est perdu en cours de route, parce les gens préfèrent leur petit nombril plutôt que des enjeux sociaux qui les dépassent largement.
Ou peut être que les gens percoivent le débat sous une autre forme qui n’en est pas une finalement. Au Québec il y a une mode à vouloir faire des Commissions pour « discuter » alors que c’est loins d’être parfait comme moyen de débattre. Peut être aussi que c’est toujours plus rassurant de voir les yeux de l’autre au travers de son téléviseur que façe à lui
Eric,
étant quelqu’un de très aimant, je suis tout à fait d’accord avec le début de ton commentaire, même si ton discours semble porter un peu trop vers un état contemplatif… Aussi, utiliser autant de mots pour médire sur l’intellectualisme c’est pas mal suspect, entre nous.
Et comment peux-tu proposer un « nouveau paradigme de synergie sociale » sans critiquer l’ordre établi, donc proposer un débat de société? Par la méditation transcendantale?
Y-Man,
le confort et l’indifférence, ces fléaux…
Et les commissions semblent être des bêtes sauvages impossibles à assagir. Le seul moyen autre serait de la bonne gouvernance…
Renart, débattre, c’est tenter de convaincre. Le premier « Léveillé », ce cher Bouddha, nous suggère justement l’état contemplatif pour atteindre l’illumination. Je ne médisais pas, je citais un auteur qui m’a inspiré.
Quant à la question du nouveau paradigme social, le débat a été fait maintes et maintes fois. Et il semble que certaines choses ne peuvent se régler du côté de la raison, puisque trop sentimentales. Plutôt stérile, donc, d’en débattre. La raison nous a mené comme espèce au bord de l’extinction. Poursuivre dans la même direction alors qu’un changement révolutionnaire s’impose, c’est un peu comme se tirer dans le pied, la bouche et la tête en même temps. Comment, toutefois, faire comprendre aux hommes que la raison est désuète, alors qu’on est convaincus, depuis 150 ans à peine, que c’est LA seule vérité? Et, lorsqu’on convainc, est-ce vraiment la bonne chose?
J’essaie plutôt vivre en cohérence avec mon intuition. Et tu sais ce qu’elle me dit, mon intuition?
Aime ton prochain comme toi-même. Le reste n’est que chimères.
Et comme je refuse de me chier sur la tête, je ne peux le faire sur celle de mon voisin. Si je lui donne la paix, je recevrai la sienne, et on sera contents tous les deux de ne pas avoir carburé à la séparation.
De toute façon, tu le sais, lorsqu’on fait de la réthorique en bloguant et qu’on arrive pas à se mettre d’accord, il ne suffit que d’un face à face de 5 minutes et notre amitié fondamentale nous rapproche. Comme quoi le débat, c’est de la confrontation, de la compétition, ces vieilles tendances mentales malsaines qui nous ont menés au bord du gouffre.
C’est peut-être pour ça que le Québec est si paisible: les gens aiment pas se chicaner.
Avant, ça me gossait aussi. Comme je suis en train de dompter mon égo, mon mental, ça me gosse beaucoup moins.
J’aime encore jouer avec les mots, bien sûr, mais avec une orientation beaucoup plus ouverte.
Je ne débats plus, je partage. Aucun de nous n’a raison, plutôt, nous avons tous raison. L’âme comprend cela, l’égo non. C’est là où je me situe. Cependant, pour être franc, la disparition de la souffrance, de la colère, et l’apparition d’une paix intérieure comme je ne l’ai jamais vécue, me suffisent pour que je poursuive dans cette voie.
Plus j’avance, plus les mots de ton « ancêtre » Léveillé résonnent en moi. Extraordinaire sentiment. Tu semblais intéressé à savoir ce qui se passerait suite à ma lecture de et ma mise en pratique du livre « Le pouvoir du moment présent »? Je ne sais pas exactement ce que c’est, mais à part le sexe, peu de choses procurent cette joie calme.
Bon, c’est certain, il reste encore un petit fond polémiste, mais le simple fait de concevoir que nous avons tous raison et tort à la fois, est signe qu’un grand pas à été franchi. Et ce n’est pas fini. Je suis sûr que le meilleur reste à venir.
Eric,
« J’aime encore jouer avec les mots, bien sûr, mais avec une orientation beaucoup plus ouverte. »
Je vois ça! Tu n’as jamais autant écrit sur ton blogue et ici.
En passant, ta migration du côté de WordPress t’est profitable?