Ce soir, moi et Douce regardions le dernier film de Roberto Benigni, Le Tigre et la neige, et le DVD s’est avéré défectueux, nous empêchant de terminer notre visionnement. Presque par dépit, nous avons dû nous rabattre sur le gala de l’ADISQ.
J’avoue que ça fait quand même drôle qu’un gars qui vit de la musique comme moi, depuis environ 18 ans, par son travail de dj, et qui chante et en fait sporadiquement aussi, depuis autant de temps, utilise le terme « dépit » pour décrire l’opportunité d’assister à la grand-messe de la musique pop québécoise…
À la base, de par mes goûts musicaux, l’ADISQ n’est pas très excitant pour moi en général. Et encore plus pour ce qui est de mon travail, même si je bosse dans un bar où je joue de la musique de danse, dans ce qu’il y a de plus populaire : un mélange de « classics » et de nouveautés. Et en plus, c’est un bar dans un quartier de Montréal très francophone. Pourtant, la plupart du temps, je passe rarement des chansons québécoises, encore moins des chansons québécoises et francophones. Et non pas parce que je ne peux pas…
Le problème c’est que sur papier, les artistes québécois ont une aura de succès, mais dans les faits, là où les gens vont sortir et s’amuser, il n’y a pas beaucoup de demande pour leurs chansons. Et même quand j’essaye d’en mettre, ça ne marche pas très bien (quoique du côté de la musique québécoise d’expression anglaise un peu plus). Il y a peu de rythme dansant dans le corpus radiophonique francophone québécois, et c’est dommage, puisque oui, il ne faut pas s’en cacher, la radio commerciale contribue beaucoup aux rayonnements des chansons. Et même quand ça arrive qu’une chanson québécoise un peu dansante pogne à la radio, ça ne semble pas aider tellement dans les bars.
Par exemple, je me souviens dans la période où Pierre Lapointe venait de sortir, et très fort, je passais « Deux par deux rassemblés », qui groove très bien à mon avis sur une piste de danse, mais ça faisait majoritairement un flop. Je ne comprenais pas et je ne comprends toujours pas plus aujourd’hui. Pour vous dire, à la base, pour être le plus simple possible, il n’y a eu pratiquement que Jean Leloup (pas Jean Leclerc) pour bien faire groover une piste de danse. Bon, je sais, il ne faut pas que j’oublie quelques chansons de Stephie Shock, Muzion, Loco Locass, L’Assemblée, dernièrement Numéro#, Omnikrom, et quelques autres, mais c’est une denrée rare.
Donc, si vous me comprenez bien, la frilosité du milieu québécois de la musique populaire, représenté par l’ADISQ, me déçoit énormément. Ça pourra paraître gratuit, mais je crois que le milieu pousse dans un sens, peut-être parce qu’il est mué par la peur économique, mais ce sens et son sens sont foutrement mal aiguisés. Les gagnants de la chanson de l’année, Mes Aïeux, avec « Dégénération », composée en 2003, enregistrée en 2004, et ayant été refusée pendant toutes ces années à la radio, jusqu’à la fin de 2006, en est un foutu bon exemple, puisque cette chanson sort de l’ordinaire radiophonique; Pierre Lapointe en était un très bon aussi, quand il a fait sa sortie voilà deux ans contre l’étroitesse d’esprit des radios commerciales. Mis à part de s’ouvrir encore plus à la nouveauté, je n’ai pas d’autres idées…
Mais le pire, c’est que d’un autre côté par exemple Isabelle Boulay marche à fond, alors, il est clair que de gager sur un produit de la sorte est un bon investissement pour un producteur. Et quand je dis « produit », ce n’est pas une figure de style, c’est la vérité. Je me suis fait dire voilà pas si longtemps par une connaissance (je ne me souviens plus qui, alors, prenez ça pour ce que c’est) qu’Isabelle Boulay s’est pratiquement fait imposer par sa gérance un album country, parce que c’était supposément une bonne idée marketing, que ça allait pogner… En connaissance de cause, il semble que toute l’histoire autour de ses racines country serait peut-être un peu trafiquée, ou du moins exagérée. Conséquemment, quand je l’ai vu chanter sa toune avec Michel Rivard, ça ne m’a pas trop transporté. Admettons.
J’ai même trouvé Louis-José Houde très professionnel de ne pas s’être endormi à l’écoute de cette performance… hé hé!
Ça l’air que c’est là qu’on est rendu!
Ajout (2h10) :
Mon ami Cinoche78 a pondu une analyse à (saveur politique) de la chanson « Dégénération » de Mes Aïeux. En tout cas, ça porte à réfléchir…
Tiens, pour te rassurer, j’ai toujours dansé sur « deux par deux rassemblé » … Je suis un grand fana de new wave, et ça sonne juste trop bien cette chanson!
Moi je me suis tapé le gala au complet ce soir… et je me suis bien amusé. Le monde de la musique est vaste… et moi, quand je t’entends énumérer ces artistes qui ont réussis à percer dans le genre de musique que les clients de l’établissement où tu travailles aiment, je me dis que c’est pas si pire… Fait intéressant que j’ai entendu à Bazzo l’autre jour: Bien que de façon générale les ventes de cd sont à la baisse les ventes de matériel local sont à la hausse ici et se diversifie… C’est une bonne nouvelle pour la musique québécoise, non? D’ailleurs on dit que le marché du cd se diversifie partout, les choix sont plus variés et éclectiques… Les radios commerciales et l’industrie en général réussissent encore à imposer leur choix mais dans une sphère qui se raptisse. Internet y est pour quelque chose… moi-même je regarde ma collection de cd… et il y en a au moins le trois quart qui n’y serait pas sans l’opportunité qu’Internet m’a donné d’explorer l’univers entier de ce qui est disponnible… tout ça pour m’appercevoir que grâce à cette place grandissante qui est faite à l’éclectisme, c’est ici qu’on produisait la musique qui me touche de plus près…
Alors qu’Isabelle Boulay suivent les conseils de ses gérants pour pogner ne me gêne pas du tout, parcequ’à coté, j’ai des trucs comme Loco Locass, Mes Aïeux, Yan Perreault, Xavier Caféïne, Tricot Machine etc… et moi, c’est eux que j’achète.
J’admets ne pas aimer assez la musique québécoise pour suivre ce gala. Par contre, j’en ai écouté un bout en lisant et ai découvert une belle chanson de Vincent Vallières et une de Dumas.
Comme quoi quand on garde l’esprit ouvert, on peut élargir nos horizons! 🙂
La lapin blanc,
bienvenue ici!
Alain B,
« pas si pire… », moi je trouve que c’est pas assez! Il faut que la musique d’ici soit célébrée à l’année!
Mais le constat que je fais concerne beaucoup le genre de clientèle qui vient à mon bar, clientèle variée, comme la musique, assez représentative d’un large pan de la société qui consomme de la musique. Si je travaillais dans un club techno, je ne pourrais faire ce lien, ni non plus dans un club hip-hop, ni alternatif…
P’tit rien,
je trouve assez dommage que tu puisses dire « J’admets ne pas aimer assez la musique québécoise pour suivre ce gala. » Cela démontre bien un préjugé assez répandu, si je ne me trompe pas, comme quoi la musique québécoise est un bloc qui rebute beaucoup de gens.
Ça me fait penser que je me suis déjà fait dire par quelqu’un, après avoir écouté mes chansons, qu’il n’aimait pas la musique francophone… ah oui, mais qu’il avait aimé déjà un ou deux artistes de la France…
Et le pire, c’est que tout le monde monterait aux barricades si quelqu’un avouait ne pas aimer en bloc la musique italienne, par exemple…
Content de ne pas être le seul décu, excellente analyse
J’en parle aussi:
http://jeanfrancoisdube.wordpress.com/
Merci pour cette lecture dont je partage l’essentiel de l’analyse. Et je comprends que ton emploi de DJ t’amène une certaine prudence que je n’ai pas, n’étant lié par rien, surtout pas une autocensure qui pourrait parfois être saine.
Boulay forcée par sa gérante de se lancer dans le country, elle est bien bonen celle-là!
En effet!
Ce sont des r’merciments comme ceux-là que l’on veut à L’ADISQ dans 3 semaines!