
Le texte de Steve Proulx aujourd’hui sur le blogue Opinions du site Branchez-vous m’a fait beaucoup réagir. J’ai écrit un long commentaire et je voulais le partager avec vous ici :
Si ce n’était de cette phrase, « Parce que la masse ne s’intéresse plus aux arts visuels, les artistes doivent faire dans le scato, le dégueu, le scandalisant pour espérer attirer l’attention. », je croirais votre analyse simpliste. Par contre, ce constat me fait penser à ceux qui chialent contre le BS en général parce qu’il y en a qui reçoivent des chèques même s’ils n’en ont pas besoin. Pour avoir fait mes études en arts visuels justement, je peux dire que la diversité des démarches est aussi importante que dans n’importe quel art : le fait de ne pointer que les démarches extrémistes ne fait que mettre de l’huile sur le feu de l’incompréhension générale par rapport à l’art visuel. C’est comme si les gens n’entendaient parler de musique que lorsque des artistes comme Marilyn Manson sortaient des albums… Ou Boredoms (groupe noise japonais)…
En tant qu’étudiant dans ce domaine, je me suis vu confronté au dilemme de faire des démarches dans le sens d’en vivre, avec l’aide des bourses, et j’ai plutôt choisi de mettre cette partie de moi en plan et de l’analyser par l’écriture. Ç’a donné un roman qui expose, entre autres, la démarche tellement extrémiste d’un artiste (qui veut installer une oeuvre dans une propriété privée après y être entré par effraction) que la fiction romanesque était la seule manière possible de le présenter (pour ceux que ça intéresse, j’en publie une partie chaque semaine; le lien est sur mon blogue et le titre est : Auréole instantanée). Et il va sans dire que ce roman n’a pas été retenu par les maisons d’édition où je l’ai envoyé, et je ne veux par démarrer un débat sur sa qualité, les commentaires que j’ai eu de ceux qui l’ont lus sont assez éloquents pour me permettre de croire qu’il est au moins bon, passable au pire (et combien de roman passable selon vous il y a sur les tablettes des librairies?)…
Alors, c’est certain que votre texte m’interpelle beaucoup puisqu’en grande partie, ma réflexion vient du fait que le grand public ne s’intéresse à l’art que dans les moments où il y a scandale, ou lorsque les moyens et les projets sont tellement gros que les médias ne peuvent passer à côté. En passant, pour ce qui est de l’exposition « Le monde du corps 2 », on ne peut pas la catégoriser dans l’art visuel, le côté scientifique est trop présent, et sans ça, c’est éthiquement indéfendable : ce n’est pas pour rien que c’est diffusé au Centre des Sciences… Et en plus, il n’y a, en dehors de la technique et d’un certain talent d’arrangement, qui se rapproche plus de l’étalagisme à mon sens, pas grand-chose d’artistique là-dedans…
Mais je pense juste qu’il y a un problème d’éducation et de diffusion. Et j’en ai eu la preuve hier. J’ai repeinturé ma cuisine dernièrement et ma copine avait invité ma voisine (une septuagénaire, veuve à la retraite, sans trop d’éducation) à venir voir le résultat. J’étais plus loin et je les entendais parler d’une de mes oeuvres, installées dans la cuisine. C’est un (faux) mur de gypse recouvert de tapisserie où trône, accroché à un crochet, une poêle enfoncée (comme si on avait frappé quelqu’un avec) recouverte de petits coeurs découpés dans la même tapisserie. C’est comme si la partie de mur avait été arrachée parce que la découpe est irrégulière, brisée. Ma copine m’a confirmé après coup que ma voisine a vraiment aimé ça même si je n’y croyais pas du tout. En fait, ça m’a beaucoup surpris parce que cette oeuvre a été chez un ami pendant quelques années (il pensait peut-être l’acheter) et il me l’a redonné parce qu’il s’obstinait trop souvent à son goût avec des visiteurs, parce qu’ils la trouvaient trop bizarre…
Alors, la grosse question à mille piastres : est-ce que ce sont les artistes qui vont trop loin ou c’est la majorité du grand public qui n’est pas capable de suivre, de s’ouvrir à autre chose que de l’illustration ou de l’abstrait décoratif? Je considère les arts visuels comme étant le résultat de recherches aussi importantes que la science, c’est simplement que les gens n’ont pas de respect pour ça étant donné que ce n’est pas utile à court terme. Pourtant, culturellement, tous les arts et surtout la pub, donc le graphisme, sont influencés par les oeuvres avant-gardistes, tant décriés par le passé. Je ne donnerai pas d’exemple, il y en a trop, mais il m’arrive souvent de voir des influences de la sorte dans la pub. Ça me fâche même des fois, car je me dis que l’artiste a eu une vie difficile et que le graphiste qui le cite (ou l’imite) est grassement payé pour le faire…
Je n’aime pas tout mais je m’intéresse à tout. L’art est là pour faire passer un message, quel qu’il soit. Dénoncer un génocide, dénoncer la guerre, promouvoir l’amour, la beauté, n’importe quoi. À mon avis, c’est de l’art dans le regard des gens qui voient et qui s’intéressent et/ou qui s’interrogent. On peut trouver ça beau, ça suscite des émotions, ça nous fait réfléchir, mais tout le monde n’est pas attiré par les mêmes trucs. Heureusement parce que sinon, tout serait uniforme. 🙂
Ton ouverture d’esprit est admirable!
Et je suis content qu’au moins une personne soit venue mettre un commentaire par rapport à ce sujet, qui me tient à coeur (je suis quand même bachelier en Art Plastique!).
Là où j’ai laissé initialement mon commentaire, il y a des perles :
« Pendant ce temps il y a des artistes qui peignent des scènes de la nature , des rues vieillotes et de vieux édifices , sans oublier des scènes de la vie quotidienne, »
Tout le monde a droit d’aimer ce qu’il veut, mais mettre en contradiction l’art contemporain (en ne pensant qu’à l’art choquant) avec les paysagistes en guise d’argument est vil et suffisant à mon avis. Même en englobant la totalité de l’art contemporain, la comparaison avec l’art paysagiste ne tient pas la route, c’est comme comparer une pomme et une orange.
Tiens, deux autres :
« Le problème de ce genre « d’art », c’est qu’il y a toujours des snobs pour faire semblant de l’admirer… et le payer. »
« Tu vois ce genre de personne , lors d’un vernissage , et ces personnes vont dire : Ah! Extraordinaire ! On voit que l’artiste a atteint un haut niveau de maturité ! Quelle belle démonstration ! Ce tableau m’émeut , j’en suis renversée ! Quel bonheur de contempler de telles oeuvres !
Naturellement , le tout dit avec le bec en cul de poule. »
Alors là, c’est le comble! L’art contemporain serait une immense pièce de théâtre où tout le monde, sans exception, fait semblant d’aimer ça!
J’avais pris la peine de lire les commentaires sur le blogue que tu mentionnais. Pour voir quel débat pouvait s’y tramer… 🙂
Orlan m’a intriguée. Je trouve ça un peu heavy, mais ça m’a intéressée. Assez pour chercher un peu à comprendre son but… Merci de m’avoir fait découvrir quelque chose de nouveau…