Inland Empire. Hier. Un moment passé avec la liberté d’expression pure. Celle à laquelle tout artiste fantasme, incroyablement laide et belle à la fois dans ce cas-ci, nous déjouant d’autant plus, ou moins, selon son degré de liberté qui atteint une quintessence inégalée en bout de course. (Le générique est un chef-d’oeuvre en soi!)
Comme tous les films de David Lynch, j’attendais cette dernière livrée avec une impatience tranquille depuis Mulholland Drive : qui pourrait servir d’introduction à Inland Empire, pour quiconque ne connaîtrait pas ce réalisateur. Mais je voudrais rajouter pour ceux-là que son oeuvre est de moins en moins accessible, donc que ce dernier est très très loin de ce qu’on nous sert habituellement en salle et en boutique de location : c’est plus un délire visuel que du cinéma, comme on l’entend du côté d’Hollywood (le fait que l’« action » se passe à Hollywood, justement, n’est sûrement pas étranger à ça…). Alors, je fais cet avertissement pour ne pas recevoir de commentaires de bêtises plus tard…
Avant de louanger cette oeuvre plus en détail, j’aimerais ajouter un bémol (celui de la longueur du film en est un autre, mais ce n’est que mon corps qui en a souffert…). Et il s’agit du choix de l’image numérique (bien qu’il soit moins coûteux et plus facile à travailler et à retravailler, selon l’avis de Lynch). Quand le film (que je ne devrais pas appeler ainsi, car ce n’est pas du film), quand la présentation a commencé, j’avais presque l’impression de regarder un vidéo sur YouTube sur écran géant. Le même effet de contraste pas très subtil, la même espèce de pixelisation aléatoire, donc, une texture assez agressive qui contraste avec le support sur pellicule qui sert à la projection en salle, avec la poussière et les saletés en prime. (Cet effet devrait être moins évident en DVD, les écrans maison étant beaucoup plus petits.) Et, tout au long du visionnement, étant donné que la facture numérique et sa qualité étaient plus ou moins évidentes, je me suis demandé si Lynch a varié cette qualité pour servir son propos. Il faudrait que je le revoie avec cette optique, ou que je fouille un peu sur cette question sur le web. Peut-être…
Mis à part ça, je me suis régalé. Ce maître de l’autoréférencement a joué cette carte à fond, ce qui amène un côté presque humoristique à cette oeuvre, assez sombre et cauchemardesque à la base. Il se joue de nous en nous faisant basculer d’une émotion à son contraire pour nous déstabiliser. Et c’est bien là l’intérêt de voir cette oeuvre cinématographique. L’histoire du remake d’un ancien film inachevé où les deux vedettes auraient été tuées ne sert qu’à nous asseoir pour mieux nous faire décoller vers « Là-haut dans les lendemains bleus (On High in Blue Tomorrows) », titre du scénario dudit film.
L’autre force de cette oeuvre est l’utilisation des acteurs pour différents rôles, procédé qu’il utilise aussi dans Mulholland Drive d’une manière plus floue. Mais ici, ce procédé est encore plus probant et presque plus « logique », car tout le scénario est construit autour de l’acteur versus son personnage, et de ce qui peut en découler comme questionnements et parallèles. Donc, le point de vue se promène d’un à l’autre, et où se greffe aussi d’autres points de vue métaphoriques, un peu comme dans le classique de la vidéo où la caméra filme l’écran, qui se retrouve à l’infini reproduite : j’utilise cet exemple, car justement, il y a une très belle scène où Lynch s’en inspire.
J’ai lu quelques critiques de ce film (je vais quand même utiliser ce terme, à défaut d’un meilleur, plus à jour…). La comparaison avec le rêve revient souvent et c’est bien vrai : au premier abord certains éléments semblent absurdes, tant dans les liens que dans la pertinence, mais il y a moyen d’en faire une interprétation, et, comme le dit lui-même le réalisateur dans d’autres mots, ce n’est pas tant de trouver celle de David Lynch que celle que le spectateur se forgera par lui-même. Pour ma part, je compare encore plus ce film à la poésie : une oeuvre poétique qui se sert des moyens cinématographiques. Le lien avec l’image, la métaphore, le rythme est assez éloquent. Quel art est plus pur et libre que la poésie?
En somme, si la création et la liberté vous intéressent, courrez voir ce film.
J’adore David Lynch.
Non. Pas j’adore. Parce que je trouve ses films angoissants, troublants et souvent désagréables… Des fois je suis frustrée d’avoir rien compris, et je n’aime pas complètement c qu’ils me laissent, le malaise dans le ventre et les images indélébiles dans la tête. Mais je suis béate devant son oeuvre. Quel génie du cinéma, quel immense artiste….
Je n’ai pas encore vu Inland Empire, accès difficile au cinéma là où je vis mais je vais m’évader bientôt quelques heures pour me plonger dans l’univers ‘lynchien’. Ton propos hâte mon évasion. J’ai récemment loué ses Short films. Incroyable comme depuis le début son oeuvre est constante dans ses symboles et émotions. Extrêmement puissant.
J’aime ton blog. Intelligent.
Salut Renart ! Si le film était long, ton billet l’est tout autant, hi hi ! T’en fais pas, je l’ai lu quand même 😉
Ça m’intéresse; j’ai vu Mulholland Drive et j’ai pas mal aimé.
C’est certain que la facture graphique doit servir le propos, il n’y a rien pour rien dans ces films d’auteur. C’est rare toutefois que je loue des films ou que j’aille au cinéma… Si jamais je le vois, je te donnerai un feedback.
J’ai pris une mini pause de tournée de blogue (je lis quand même les fils chaque jour)… Je suis un peu en retard sur tes billets, mais je me rattrape ! J’en profite pour te dire un mot au sujet du t-shirt; j’ai trouvé ton montage fort évocateur. Simple, clair, direct.
Au sujet de Benetton, ils ont toujours fait des campagnes provocatrices. Je me rappelle d’une photo d’une femme noire portant un bébé blanc sur son sein. Très belle image. J’ai toujours apprécié cette forme de publicité (faut la voir dans le bon sens, comme ton t-shirt); ils ne font pas dans le choquer pour choquer, mais choquer pour éveiller les consciences. J’aime bien.
À+
@ Salette
C’est certain que ce réalisateur n’est pas clair… Et c’est ce qui fait que ces films peuvent nous hanter longtemps.
Merci d’être passé ici et d’avoir pris le temps de laisser un commentaire, j’apprécie. J’irai te visiter pour sûr prochainement. Là il se fait tard…
@ Plume
Désolé pour la longueur… hé hé!
Et je te comprends pour la pause, je me sens un peu vanné, admettons que j’ai pas mal donné depuis que j’ai démarré mon blogue et surtout ma collaboration à UHEC. Et y’a l’été qui s’installe timidement, le soleil qui nous tire, et pour moi la saison de tennis qui va démarrer…
Merci de la suggestion…lorsque j’aurais du temps. Le soleil sort alors je sors de mon laptop…
Et bien création et liberté se sont de mots qui me parlent.. J’irai voir ce film je ne suis pas une grande cinéphile mais lorsuq’un film pour une raison ou pour une autre me parle et bien je vais le voir. Merci…xox
Et bien moi j’adore David Lynch et je vais aller de ce pas voir ce film… et pour le citer :«On n’est pas obligé de comprendre pour aimer. Ce qu’il faut, c’est rêver.»
Alors je vais aller rêver!!!